Le président de la Polynésie française, Edouard Fritch, le 7 mai 2017 à Papeete. | MIKE LEYRAL / AFP

La liste autonomiste conduite par Edouard Fritch a largement dominé ses concurrents en réunissant dimanche (lundi à Paris) 43,04 % des voix au premier tour des élections territoriales. Il part largement favori de la triangulaire qui devrait l’opposer le 6 mai au parti autonomiste de Gaston Flosse (29,4 %) et aux indépendantistes d’Oscar Temaru (20,72 %). La participation (61,51 %) est plus faible que lors des scrutins précédents, malgré une campagne intense ces dernières semaines.

Le Tahoeraa de Gaston Flosse, en particulier, a montré qu’il savait toujours rassembler avec le plus important meeting (9 000 militants), et des milliers de tee-shirts et de drapeaux à sa couleur, le orange. Mais il a souffert de ne pouvoir présenter son leader : Gaston Flosse est inéligible jusqu’en juillet 2019, et le discret Geffry Salmon, qui le remplace en tête de liste, n’a pas la même aura.

Edouard Fritch, 66 ans, resté dans l’ombre de Gaston Flosse pendant trente ans, a montré qu’il n’avait pas besoin de son ancien mentor pour l’emporter. Il doit sa victoire à un bon bilan à la tête de la Polynésie française, qui retrouve des couleurs après plus de dix années de crise. Il a réuni la moitié des maires polynésiens, très influents sur leur électorat. Il s’est aussi engagé sur une mesure impopulaire : la réforme de la sécurité sociale locale et le report de l’âge de départ à la retraite, de 60 à 62 ans. Il est enfin parvenu à normaliser les relations entre la Polynésie et l’Etat, tandis que ses deux opposants n’ont pas de mots assez durs contre la France.

Mesures spectaculaires

Les adversaires des quatre dernières décennies, Gaston Flosse et Oscar Temaru, ne sont pas parvenus à endiguer cette montée en puissance. Rattrapé par les affaires, lâché par les principaux cadres de son parti, Gaston Flosse a misé sur un programme populaire : il propose douze mesures spectaculaires, comme des baisses drastiques des tarifs Internet ou des transports en commun. Il a aussi intégré sur sa liste des personnalités de la société civile, comme le journaliste-présentateur du journal de la chaîne Première James Heaux, ou le syndicaliste Angélo Frébault. Sans succès. Ce scrutin met un coup d’arrêt aux ambitions de Gaston Flosse, 86 ans. Le vieux lion, comme on l’appelle en Polynésie, a cependant maintes fois démontré qu’il pouvait toujours revenir après ses défaites.

Oscar Temaru a mené campagne sur ses thèmes de prédilection : la décolonisation, les demandes de réparation après les essais nucléaires, ou la probité des élus. Il souhaite, à terme, un référendum d’autodétermination en Polynésie. Au cours de la campagne, il a suggéré qu’il ne briguerait pas la présidence en cas de victoire de sa liste, mais qu’il la laisserait à son gendre, le député Moetai Brotherson. Lui non plus n’a pas convaincu.

Quant aux trois autres listes en course au premier tour, aucune n’atteint 4 %. Le seul parti national représenté, l’UPR, finit dernier avec 1,15 % des voix.

Les élections ont perdu de leur faste en Polynésie, depuis que les électeurs n’ont plus le droit d’afficher leurs préférences au sein des bureaux de vote. Les drapeaux, les militants et les musiciens doivent rester aux abords des écoles et des mairies. Mais ils continuent à haranguer les passants pour les convaincre de voter rouge, orange ou bleu ciel, les couleurs respectives d’Edouard Fritch, de Gaston Flosse et d’Oscar Temaru.

Large autonomie

Les partis ont jusqu’à mardi soir pour déposer les listes en vue du second tour. Les indépendantistes ont déjà annoncé qu’ils ne s’allieraient pas avec les autonomistes. Une telle alliance s’était déjà produite en 2008, à l’assemblée : elle avait conduit à l’élection de Gaston Flosse à la présidence, mais n’avait pas duré.

Si le Tapura d’Edouard Fritch conserve la même avance au second tour, il bénéficiera d’une majorité solide à l’assemblée grâce à la prime majoritaire accordée au vainqueur. Sans alliance, ses deux adversaires ne semblent pas en mesure de le rattraper, puisque même un report de toutes les voix des petites listes n’y suffirait pas.

Après le second tour, les 57 représentants élus à l’assemblée éliront leur président et celui de la Polynésie française pour un mandat de cinq ans.

Cette collectivité d’outre-mer jouit d’une large autonomie au sein de la République française, et dispose de ses propres ministères de l’économie, de l’emploi, de la santé ou encore de l’éducation. La défense, la sécurité ou encore la monnaie relèvent en revanche de la compétence de l’Etat.