Kevin Garnett, le numéro 5 des Celtic’s Boston lors d’un match NBA, le 6 janvier 2012. / Michael Dwyer / ASSOCIATED PRESS

L’anecdote s’est perdue au fil du temps ; seuls les vétérans des vestiaires de la NBA ont peut-être encore entendu parler de cette légende au moment de l’arrivée de Kevin Garnett aux Celtics de Boston. En décembre 2007, six mois après son transfert des Minnesota Timberwolves, le meilleur ailier-fort de la Ligue s’apprête à révolutionner bien plus que la défense des Celtics.

Pris d’une petite faim d’avant-match, un coéquipier lui propose un « PB & J », ou un peanut butter and jelly sandwich, populaire encas américain fait de beurre de cacahouètes et de confiture, serré dans deux tranches de paie de mie. Ce soir-là, Garnett joue plutôt bien, puis très bien. A peine sortie du terrain, le joueur tranche : « il va nous falloir des PB & J avant chaque match », déclare-t-il solennellement au préparateur physique de l’équipe. Quatre mois plus tard, les Celtics remportent le titre NBA pour la première fois depuis vingt-deux ans.

« Les Celtics se sont mis à faire des sandwichs en masse, bien avant les autres équipes, ils sont les précurseurs du PB & J », assure Tim DiFrancesco, préparateur physique des Lakers à l’occasion d’un article d’ESPN. Vite, la rumeur d’une nouvelle potion magique se répand au sein de la NBA. « Chaque match à Boston entraînait des les Celtics ont des PB & J, on peut en avoir aussi ? », se souvient DiFrancesco, lui-même rapidement contraint d’en confectionner pour ses Lakers. Puis la diaspora des Celtics accélère le phénomène : Garnett et Paul Pierce migrent vers les Nets de Brooklyn, Tony Allen chez les Grizzlies de Memphis, leur coach Doc Rivers rejoint les Clippers en Californie. Tous avec leurs PB & J préférés.

Un chef sandwich à Milwaukee

Et le choix a son importance. Si le précurseur Garnett a consommé uniquement des PB & J à la confiture de fraise pendant les dix saisons suivant sa révélation, le jeune Brandon Ingram des Lakers, très tatillon sur l’esthétique de son sandwich, préfère la gelée de raisin. Evan Fournier, le Français des Orlando Magics, se souvient : « la première fois que j’ai vu un PB & J, c’était à l’aéroport, quelqu’un mangeait ça et je me suis dit que ça avait l’air franchement pas bon. Eh bien, j’avais bien tort ! » Si Fournier n’est encore qu’un amateur occasionnel, son ami et coéquipier Nikola Vucevic « en mange systématiquement tous les jours de match ! »

Quant à Kevin Durant, il prouvera son allégeance en dédiant une paire de Nike au PB & J : jaune cacahouète et rouge confiture. Mais aujourd’hui ce sont peut-être les Bucks de Milwaukee qui en sont les plus gros consommateurs avec 20 à 30 par match, des ingrédients clés disséminés dans les vestiaires, les avions, les hôtels et un chef cuisinier dédié qui confectionne à la chaîne des « gaufres au PB & J », des « pancakes au PB & J », et même des « milk-shakes de récupération au PB & J ».

Du côté de Cleveland, mieux vaut se méfier des PB & J des Cavaliers : si l’équipe locale se fait servir une pile de sandwichs à la confiture maison ou agrémentés de bananes, ils ne proposent à leurs adversaires que de vulgaires PB & J décongelés – que la plupart des coaches interdisent à leurs joueurs de manger.

Mais pourquoi les joueurs de basket aiment-ils tant ce goûter d’enfant américain ? « C’est réconfortant, pose le docteur Meg Mangano, diététicienne du sport et nutritionniste des LA Clippers pendant sept ans. C’est un snack facile, familier et, pour beaucoup d’entre eux, c’était un encas classique de quand ils étaient petits. On en a servi aux Clippers pendant toute la période où j’ai travaillé avec eux. »

Avec du sucre, des graisses, des protéines et du sel, le PB & J est, en fait, un nid à récepteurs pour le centre de gratification du cerveau humain, qui libère alors des endorphines. « Le glucide du pain et de petites doses de gras et de protéine constituent un mélange optimal pour provoquer un regain d’énergie », précise le Dr Mangano. « Comme tout, il ne faut pas en abuser, mais ça n’a jamais posé un problème aux Clippers. On leur proposait aussi du beurre d’amande et des fruits frais dedans… »

Le PB & J de la discorde chez les Warriors

Mais pour les Golden State Warriors, tout a bien failli s’effondrer en octobre 2015. A cette date, le club d’Oakland recrute Lachlan Penfold, préparateur physique et médecin du sport australien, plus habitué aux joueurs de rugby d’Océanie qu’aux basketteurs d’Amérique. Quand Penfold débarque, il n’a qu’un but : réduire la consommation de sucre des joueurs. Moins de bonbons, moins de soda, moins de cookies. Et surtout : plus de PB & J.

Quatre mois avant, les Warriors ont remporté le championnat et comptent bien recommencer : comment affronter cette nouvelle saison sans PB & J ? La rébellion gronde dans les rangs, mais malgré les plaintes de plusieurs joueurs, des coaches et même du general manager Bob Myers – qui raconte à qui veut qu’il apporterait un PB & J sur une île déserte –, l’interdiction durera des mois. Jusqu’à la mystérieuse réapparition : sans qu’aucune explication ne fût donnée. « Quelqu’un de haut placé a dû décrocher son téléphone », murmure Shaun Livingston au Wall Street Journal.

Warriors Tonight: Peanut Butter and Jelly
Durée : 02:32

Son principal suspect : Stephen Curry. La star des Warriors est un amateur revendiqué de confiture de fraise de la marque Smucker, couplé avec du beurre de cacahouètes Skippy – et rien d’autre. Trop tard ? En avril 2016, les Warriors perdent 109-106 face aux Celtics, mettant alors fin à une série de 54 matchs gagnés à domicile. En finale en juin, les Golden State Warriors perdent face aux Cleveland Cavaliers. Lachlan Penfold, lui, est remercié.

Par Hélène Coutard