Le principe de la collection ? Un dictionnaire amoureux : de Venise par Philippe ­Sollers, de l’Egypte par Robert Solé… La méthode ? L’imbattable ordre alphabétique, la flânerie, l’invitation au feuilletage, à la nonchalance, au bonheur de raconter. Le libre parcours d’un auteur ou acteur, connu pour d’autres travaux. Pur plaisir. La garantie ? Un auteur – Patrice Blanc-Francard – élu pour ses compétences attestées, une délicatesse d’écriture et le goût de déambuler dans son paradis privé, en l’occurrence le jazz. L’insaisissable nom de « jazz » ne figure d’ailleurs pas parmi les entrées. Premier signe d’intelligence.

Patrice Blanc-Francard, né à Marseille, en 1942, voix de radio (« Pop-Club » de José Artur, « Bananas », etc.), physique de télévision (« Pop 2 », « Les Enfants du rock »), érudition amoureuse, membre de la rédaction du Jazz Hot politico-free de Michel Le Bris, Daniel Caux et ­Philippe Constantin (fin des ­sixties), ou de celle de Rock & Folk, ­condense les figures du découvreur, de l’engagé et de l’amateur.

Une assurance ? Ses états de service, sa mémoire et son parcours. Ouverture d’esprit et d’oreille sans effets de modes (il les suscite), sans sectarisme (il en est le démenti vivant), exactitude de pensée vérifiable, signature d’un dictionnaire aussi précieux qu’agréable. Tous publics : les grands amateurs, les débutants, ceux qui ont peur du « jazz » et les contemporains de Blanc-Francard : en jazz comme en rock, on n’est jamais contemporain que de soi-même. Tous les curieux des liens entre musiques et histoire s’y retrouveront.

« Emmerdé, dis la vérité… »

Bonus : en fin d’articles, des liens avec discographies, filmographies, listes de lecture YouTube… Page 563, à l’entrée « Van Gelder », ce grand sorcier du son de Blue Note (voir à la lettre B, « Blue Note »), on peut lire : « Mon père, pionnier parmi les pionniers, fut l’un des premiers ingénieurs du son à exercer en France ce drôle de métier auquel on ne donnait pas encore de nom. Mon frère Dominique a suivi ce chemin avec succès. Mon fils aîné Henry prolonge la saga familiale. J’ai donc quelques raisons de penser… »

Mystères agaçants : de même, quand José Artur appelle Patrice Blanc-Francard, il lui prodigue un seul conseil : « Quand tu es emmerdé, dis la vérité… » « et d’autres plus explicitement sexuels que je ne me hasarderai pas à livrer ici… ». C’est l’unique mais regrettable défaut de ce dictionnaire au vagabondage charmant, à l’érudition imprenable, vitesse et élégance de plume en bandoulière…

Dictionnaire amoureux du jazz, de Patrice Blanc-Francard. Editions Plon, 656 p., 24 €.