L’opposition malgache a poursuivi son bras de fer avec le président Hery Rajaonarimampianina, lundi 23 avril, en manifestant en masse à Antananarivo pour dénoncer la répression meurtrière de la marche antigouvernementale de samedi.

Plusieurs milliers de ses partisans se sont succédé tout au long de la journée sur l’emblématique place du 13-Mai, au cœur de la capitale, pour y honorer les victimes des affrontements violents d’il y a deux jours, a rapporté un journaliste de l’AFP. Sur fond de chants religieux, ils ont défilé dans le calme devant les cercueils des deux personnes tuées par les forces de l’ordre et ont présenté leurs condoléances aux familles des victimes. Les principaux chefs de l’opposition, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, se sont mêlés à la foule.

Samedi, une marche d’un millier de partisans de l’opposition sur la place du 13-Mai, interdite par les autorités, avait dégénéré en bataille de rue avec les forces de l’ordre. Selon un bilan provisoire de source hospitalière, ce face-à-face avait fait deux morts et seize blessés dans les rangs des manifestants. Les députés de l’opposition, qui accusent la police et l’armée d’avoir ouvert le feu à balles réelles sur leurs sympathisants, évoquent, eux, un bilan de cinq morts.

« Nous sommes encore en deuil »

A sept mois du premier tour attendu des élections générales, les adversaires du président Rajaonarimampianina l’accusent de vouloir les faire taire. Ils dénoncent notamment l’adoption récente de nouvelles lois électorales qui, selon eux, visent à favoriser le pouvoir.

De retour d’un bref séjour hors de la Grande Ile, le chef de l’Etat a accusé dimanche soir ses rivaux de tentative de « coup d’Etat ». A la télévision et sur les réseaux sociaux, il a appelé « tous les Malgaches au calme ». Mais il a aussi mis en garde « les fauteurs de trouble et ceux qui incitent à la haine et aux affrontements, en quête d’un bain de sang ».

Lundi, Andry Rajoelina a refusé de lui répondre. « Pour l’instant, il n’y aura pas de discours politique, a-t-il dit devant les manifestants. Nous sommes encore en deuil. » De son côté, Marc Ravalomanana a exhorté les autorités à écouter les doléances de l’opposition. « Nul ne peut maintenant contrer le peuple réuni ici […], nul n’est plus fort que le peuple réuni ici », a-t-il lancé à la foule réunie place du 13-Mai. L’ancien chef de l’Etat s’est également réjoui de la décision des forces de l’ordre d’autoriser la manifestation de lundi, à rebours de l’extrême fermeté affichée par le chef de l’Etat.

Comme la veille, des dizaines de policiers et de soldats en armes qui s’étaient déployés lundi en début de journée sur la place du 13-Mai pour empêcher la tenue de la marche se sont dispersés pour y céder la place aux manifestants. « C’est pour éviter les affrontements violents, qui pourraient entraîner des grands dommages entre Malgaches, que nous avons choisi de quitter la place », a expliqué le ministre de la défense, le général Beni Xavier Rasolofonirina. Il a toutefois prévenu que « les forces de l’ordre n’accepteraient jamais une institution étatique instaurée en dehors d’une élection ».

« On n’est pas ici pour renverser le régime »

« Le président devrait réfléchir sur le geste des forces armées de revenir vers le peuple, s’est félicité auprès de l’AFP un des manifestants, Michel Santatra Nomenjanahary, 20 ans. La force est maintenant dans le camp du peuple. » « On n’est pas ici pour renverser le régime, a renchéri un autre, Tiana Rafanomezantsoa, 50 ans. Il faut attendre les élections pour cela. Et tout le monde devrait pouvoir y participer, sans discrimination aucune. »

Elu en 2013, le président Rajaonarimampianina n’a pas encore annoncé s’il allait briguer un second mandat. En revanche, Marc Ravalomanana, président de 2002 à 2009, et Andry Rajoelina, au pouvoir de 2009 à 2014, ont déjà laissé entendre qu’ils étaient prêts à se lancer dans la bataille. Tous les deux avaient été interdits de candidature en 2013.

M. Ravalomanana avait été renversé en 2009 après une mutinerie de l’armée qui avait permis à M. Rajoelina, alors maire de la capitale, de devenir président non élu d’une transition jusqu’en 2014.