Depuis quelques mois, le climat semblait propice à une avancée sur le dossier du Sahara occidental : l’ONU s’était dotée de trois personnalités engagées à donner « un nouvel élan » au processus politique pour mettre un terme à ce conflit gelé depuis quarante-trois ans. Antonio Guterres avait succédé à la tête des Nations unies à Ban Ki-moon, qui entretenait des relations exécrables avec le Maroc ; Horst Köhler, l’ex-président allemand, avait été nommé envoyé spécial en remplacement de l’Américain Christopher Ross, accusé d’être trop proche des Algériens et des Sahraouis ; et le Canadien Colin Stewart avait pris la tête de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso).

Il restait à obtenir un appui fort du Conseil de sécurité, où siègent des soutiens historiques du Maroc, dont la France et les Etats-Unis. Ce devrait être chose faite, mercredi 25 avril, avec le vote de la résolution qui renouvelle pour un an le mandat de la Minurso. Le langage utilisé est une première indication de la volonté du Conseil de sécurité de jouer un rôle dans la recherche d’un compromis « qui doit faire preuve de réalisme » et d’accélérer la dynamique en cours pour une reprise des pourparlers de paix « dans le courant de l’année 2018 ». Un diplomate avoue même « une certaine lassitude sur ce vieux conflit » après des années de négociations informelles infructueuses.

« Casus belli »

Le texte – encore provisoire – réaffirme la volonté du Conseil d’« aider les parties à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». Mais, cette année, le document, rédigé traditionnellement par les Américains, intime aussi de « reprendre des négociations sans préconditions et de bonne foi », alors que les dernières négociations directes entre les parties datent de 2008.

Changement de stratégie aussi avec la prise en compte de toute la région pour aboutir à une sortie de crise : « Toutes les parties et les Etats voisins doivent coopérer et accentuer leur implication pour aboutir à une solution politique. » Un message directement adressé à l’Algérie, qui soutient le Front Polisario mais refuse de rejoindre la table des négociations, comme le lui demande le Maroc, reconnaissant « accueillir des réfugiés mais ne pas faire partie de ce conflit ».

Ancienne colonie espagnole, le territoire du Sahara occidental fait l’objet d’une dispute entre les indépendantistes du Front Polisario – soutenus par l’Algérie – et le Maroc, qui contrôle 80 % du territoire sahraoui depuis 1975. Le Polisario réclame la tenue d’un référendum d’autodétermination, comme fixé par les Nations unies, tandis que Rabat, considérant que la zone fait partie intégrante de son territoire, propose un statut d’autonomie. Un cessez-le-feu et une zone tampon ont été décidés depuis 1991.

Or, régulièrement, les deux parties s’accusent de violer ce cessez-le-feu, les tensions s’accentuant chaque année au mois d’avril, à l’approche du renouvellement du mandat de la Minurso. Cette année, c’est Rabat qui a écrit au Conseil de sécurité pour dénoncer des « incursions gravissimes du Front Polisario » dans la zone tampon et menacer d’une « riposte militaire » face à ce « casus belli ». Un diplomate occidental estime qu’il s’agit d’« agacements saisonniers qui ne doivent pas être surinterprétés ».

Le texte de la résolution appelle cependant les parties à « ne pas commettre d’actions susceptibles de modifier le statu quo » et demande à Antonio Guterres de s’entretenir avec les parties « pour mieux comprendre ces problèmes ». Fin mars déjà, dans son rapport remis au Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU estimait que « le conflit sur le Sahara occidental n’a que trop duré ; il faut y mettre un terme, dans l’intérêt de la population, afin qu’elle puisse vivre dans la dignité ». Il semble prêt à jouer un rôle plus actif.

« Ecran de fumée »

De son côté, Rabat s’attache depuis plusieurs mois à envoyer des signaux plus positifs. L’ambassadeur marocain aux Nations unies, Omar Hilale, explique que le royaume est « pleinement engagé dans le processus politique ». S’appuyant sur l’exemple du succès diplomatique qui avait abouti à la signature de l’accord sur le nucléaire iranien, il estime que le Sahara occidental pourrait bénéficier d’un même élan international, assurant que « le mur psychologique doit être brisé ». Selon une source marocaine, « l’autonomie n’est pas à prendre ou à laisser, elle est négociable et on prendra notre temps pour arriver à un résultat gagnant-gagnant ».

Le Front Polisario, lui, ne cache pas son agacement, estimant que Rabat joue les bons élèves pour éviter toute concession. « Les Marocains créent un écran de fumée pour masquer le fait qu’ils veulent perturber les efforts de M. Köhler et ne pas aller de l’avant dans le processus de reprise des pourparlers de paix », pointe l’un de ses représentants, pour qui les Marocains sont arcboutés sur leur proposition d’autonomie « alors que c’est la souveraineté du Sahara occidental qui est en jeu » : « Il n’y a plus rien à négocier si on discute uniquement de l’autonomie. »

Ces ultimes dissensions expliquent sans doute les précautions de langage de M. Köhler, qui a témoigné de son « optimisme circonspect », assurant avoir constaté « un certain désir » d’aboutir à une solution. Il devrait entreprendre une nouvelle tournée régionale sous peu pour mieux mesurer l’intensité de ce « désir ».