Nouveau rebondissement dans l’affaire des poursuites contre le journaliste marocain Taoufik Bouachrine. L’une des plaignantes a été condamnée, mardi 24 avril, à six mois de prison ferme pour avoir contesté une déposition dans laquelle la police avait noté qu’elle dénonçait le harcèlement sexuel du patron de presse, a-t-on appris auprès de son avocat.

Afaf Bernani, 26 ans, fait partie des quinze parties civiles enregistrées par la justice marocaine comme des victimes présumées de M. Bouachrine, directeur du quotidien marocain indépendant Akhbar Al-Yaoum, poursuivi pour des violences sexuelles. La peine de prison prononcée à l’encontre de la jeune femme ajoute aux soupçons de manipulation dans cette affaire.

Arrêté le 23 février et incarcéré depuis à la prison de Casablanca, M. Bouachrine, un journaliste de 49 ans connu pour des éditoriaux au ton critique, est jugé depuis le 8 mars notamment pour « traite d’êtres humains », « abus de pouvoir à des fins sexuelles », « viol et tentative de viol ».

Afaf Bernani, salariée du journal, avait nié faire partie des victimes présumées de M. Bouachrine, contesté le contenu de sa déposition et porté plainte pour « falsification » contre la police. La justice l’a immédiatement poursuivie pour « fausse déposition » et « diffamation », l’officier qui l’avait entendue ayant lui-même déposé plainte contre elle en fournissant un enregistrement de son audition.

« Des pressions et des menaces »

Mardi, le tribunal de première instance de Casablanca l’a condamnée à six mois de prison ferme sans la convoquer à l’audience, a indiqué à l’AFP son avocat, Me Mohamed Ziane. « Je maintiens ma position », a déclaré Afaf Bernani à l’AFP, se disant « étonnée » d’avoir été « condamnée sans être entendue par le tribunal ». Me Ziane, qui défend également M. Bouachrine, a indiqué que sa cliente ferait appel. Selon lui, cette « condamnation est un message aux autres victimes présumées afin qu’elles ne retirent pas leur plainte ».

Le procureur général du roi près la cour d’appel de Casablanca avait pour sa part affirmé, début avril, que ce sont celles qui dénoncent le comportement du patron de presse qui subissent « des pressions et des menaces » ou « se voient proposer des arrangements financiers ». « Nous avons le devoir de les protéger […] A partir du moment où elles apparaissent dans les vidéos saisies, nous les considérons comme des victimes même si elles ne portent pas plainte », avait-il déclaré.

L’affaire Bouachrine focalise l’intérêt des médias marocains, avec des réactions et des avis très partagés, du fait de la notoriété de l’accusé et de la gravité des charges. Les accusations reposent sur des vidéos saisies dans le bureau du journaliste au moment de son arrestation et qui n’ont pas été rendues publiques. M. Bouachrine dément en bloc et se dit victime d’un « procès politique ».