Nicaragua : manifestations meurtrières et scènes de pillage

Depuis six jours, le Nicaragua connaît une vague de manifestations et de heurts, déclenchée par des étudiants contre une réforme des retraites réduisant le montant des pensions. Le nouveau bilan des victimes, communiqué mercredi 25 avril par le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh), fait état de 34 morts, dont une majorité d’étudiants. Deux policiers ont également été tués ainsi qu’un caméraman, abattu en plein reportage.

Le bilan de cette contestation pourrait encore s’aggraver dans les prochaines heures, puisque 66 blessés sont à l’hôpital, dont 12 « dans un état grave et en soins intensifs », a précisé Marcos Carmona, représentant de l’ONG. Par ailleurs, 16 personnes sont toujours portées disparues. « Nous condamnons la violence utilisée par la police et ses groupes paramilitaires », a déclaré le responsable du Cenidh.

« Ils tiraient avec des snipers. La majorité des morts ont été touchés à la tête, au cou et au thorax. (…) Ces morts doivent faire l’objet d’une enquête et les responsables doivent être poursuivis. »

L’Union européenne, les Etats-Unis et le Vatican ont critiqué à l’unisson la force excessive utilisée par la police. L’ONU a même dit soupçonner de possibles « exécutions illégales ». Mardi, l’archevêque de Managua, Leopoldo Brenes, a accepté de servir de « médiateur et témoin » du dialogue, en insistant pour que le gouvernement « évite tout acte de violence ».

Abandon de la réforme

Devant ces prises de position, le président Daniel Ortega, ex-guérillero de 72 ans au pouvoir depuis onze ans, a joué l’apaisement. D’abord en abandonnant le projet de réforme des retraites, dès dimanche. Mais les autorités ont également libéré mercredi des dizaines d’étudiants arrêtés lors des manifestations, et levé la censure appliquée à une télévision locale. Suspendus depuis jeudi dernier, les cours ont repris dans la matinée dans les écoles du pays.

Reste à savoir si ces mesures apaiseront la colère de la population, qui a continué à défiler en début de semaine. En toile de fond, un mécontentement général face aux dures conditions de vie et à la confiscation du pouvoir par Daniel Ortega, déjà à la tête du pays de 1979 à 1990 et revenu en 2007. Pour montrer qu’il n’a pas totalement perdu le soutien de la population, le Front sandiniste au pouvoir a convoqué jeudi une manifestation de soutien au gouvernement.

L’Eglise catholique appelle aussi à défiler samedi « pour montrer notre foi et notre amour du Nicaragua », a annoncé sur Twitter l’évêque adjoint de Managua, Silvio Báez. Dur critique du gouvernement, il a estimé que « le chemin [était] ouvert pour construire de façon pacifique et civique un nouveau pays ».