🔴 Au Congrès américain, Macron dénonce le nationalisme et la guerre commerciale
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La célébration de l’amitié franco-américaine par un président français devant les deux Chambres du Congrès réunies en joint session peut vite tourner au ressassement de valeurs communes et d’une histoire séculaire. Mercredi 25 avril, les évocations obligées de Gilbert du Motier de La Fayette et de George Washington, des dettes de sang contractées pendant la révolution américaine puis lors des deux conflits mondiaux ont rapidement laissé la place, dans le discours d’Emmanuel Macron, à des mises en garde contre les périls qui menacent, selon lui, les fondements démocratiques sur lesquels les deux pays ont été bâtis. Ces mises en garde ont souvent sonné comme des critiques à peine voilées de certains thèmes défendus avec insistance par son hôte, Donald Trump.

Comme devant les Nations unies, en septembre 2017, le président de la République française a ainsi plaidé pour un « multilatéralisme fort » qui « ne fera pas planer une ombre sur nos identités et nos cultures » : « un multilatéralisme fort permettra à nos cultures d’être protégées, de prospérer librement ensemble », a assuré Emmanuel Macron, rappelant qu’il appartenait aux Etats-Unis, parce qu’ils en avaient été les principaux artisans à la fin de la seconde guerre mondiale, d’être à nouveau les acteurs de sa réinvention. « Nous ne laisserons pas le nationalisme nous priver d’une plus grande prospérité », a-t-il ajouté, critiquant frontalement les « guerres commerciales », dont Donald Trump a évoqué l’hypothèse.

« Make our Planet Great Again »

Aux menaces représentées par les régimes « illibéraux » et « autoritaires », le président a opposé une série de convictions liées entre elles par une anaphore (« je crois à »), opposant ainsi à « l’ignorance » « l’éducation », à « l’inégalité » « le développement », et au « fanatisme » « la culture ».

Le président français a également quitté les rives paisibles du passé pour aborder les sujets de contentieux entre la France et les Etats-Unis. Tout d’abord avec le climat, et en répétant sa formule « Make our Planet Great Again » assenée après la décision de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l’accord de Paris, le 1er juin 2017, dans une allusion directe au slogan de campagne du président des Etats-Unis – « Make America Great Again ».

Salué avec fougue par les élus démocrates, alors que les républicains se montraient beaucoup plus réservés, le président a répété qu’il n’y avait pas de « planète B » qui dispenserait les Etats de s’attaquer aux périls liés à l’environnement. Il a assuré entendre ceux qui privilégient l’emploi et l’économie à la lutte contre le réchauffement climatique, avant de plaider ensuite pour une transition énergétique.

Emmanuel Macroon, devant le Congrès des Etats-Unis, à Washington, le 25 avril 2018. / Jean-Claude Coutausse/French-Politics pour "Le Monde"

M. Macron s’est également attardé longuement sur le dossier iranien, suspendu désormais à une décision que son hôte doit rendre d’ici le 12 mai, à propos d’un accord conclu en 2015 par son prédécesseur, Barack Obama, avec l’Iran, l’Allemagne, la Chine, la France, le Royaume-Uni et la Russie. Tout en répétant avec force un « objectif » commun « clair » : « L’Iran n’aura jamais d’armes nucléaires. Ni maintenant, ni dans cinq ans, ni dans dix ans, jamais », réaffirmant l’attachement de la France au compromis en vigueur, régulièrement stigmatisé par Donald Trump.

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L’expiration de l’accord en 2025

« Il y a un cadre existant, le JCPOA [Joint Comprehensive Plan of Action], qui contrôle et encadre les activités nucléaires de l’Iran. Nous l’avons signé, les Etats-Unis et la France. C’est pourquoi nous ne pouvons nous en débarrasser comme cela. Mais il est vrai de dire que cet accord ne couvre pas toutes les inquiétudes, toutes les questions. Y compris certaines cruciales. Mais nous ne devons pas l’abandonner avant d’avoir quelque chose d’autre qui traite le fond du sujet. C’est pourquoi la France ne se retirera pas », a-t-il assuré.

« Je crois que nous pouvons travailler ensemble pour faire émerger cet accord plus général, plus complet pour la région, nos pays et nos concitoyens », a affirmé le président de la République en référence à ce qui se passera après l’expiration de l’accord, en 2025, et aux dossiers du balistique iranien et de l’influence régionale du régime de Téhéran au Moyen-Orient. L’Iran, comme la Russie, a déjà réagi négativement à cette perspective d’accord plus large évoquée pour la première fois la veille par le président français à la Maison Blanche.

Comme sur l’environnement, Emmanuel Macron a reçu sur ce point des applaudissements plus nourris sur les bancs démocrates qu’auprès des républicains. Premier président français à s’exprimer en anglais depuis Valéry Giscard d’Estaing, en 1976, il a parfois donné l’impression de s’abstraire de ses notes pour tenter de se montrer plus convaincant. Les dix-neuf standing ovations récoltées mercredi, pas seulement lors des passages obligés de l’exaltation de l’amitié franco-américaine, ont attesté qu’il avait été entendu.