Natalie Portman à Los Angeles le 13 février. / FREDERIC J. BROWN / AFP

Son amour d’Israël est indiscutable. Sa charge, calibrée au mot près, est d’autant plus dévastatrice. En décidant de ne pas venir accepter en personne le prix Genesis, créé par plusieurs hommes d’affaires et attribué à une personnalité pour son dévouement à la communauté et aux valeurs juives, l’actrice américaine Natalie Portman a provoqué une onde de choc en Israël. La jeune femme, fière de ses racines israéliennes, a estimé qu’elle ne pouvait partager la tribune avec le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, qui devait s’exprimer à cette occasion.

Dans un communiqué, l’actrice n’a pas évoqué le sort des Palestiniens, notamment ceux manifestant dans la bande de Gaza depuis la fin mars, ni celui des migrants africains, dont le gouvernement veut se débarrasser. Elle en est restée au niveau des principes. « Israël a été créé il y a exactement soixante-dix ans comme un abri pour les réfugiés de l’Holocauste. Mais le mauvais traitement de ceux qui souffrent des atrocités d’aujourd’hui n’est simplement pas en accord avec les valeurs juives, écrit-elle. Parce que je me soucie d’Israël, je dois m’élever contre la violence, la corruption, l’inégalité et l’abus de pouvoir. » Une sorte de réquisitoire contre le gouvernement Nétanyahou.

« Comme beaucoup d’Israéliens et de juifs dans le monde, je peux être critique envers les dirigeants en Israël sans vouloir boycotter une nation entière », précise-t-elle. L’actrice réussit ainsi à ne pas se laisser enfermer dans l’affrontement entre les autorités israéliennes et les partisans du mouvement « boycott-désinvestissement-sanctions » (BDS). Ces derniers réclament des punitions internationales sous différentes formes contre Israël pour la poursuite de l’occupation en Cisjordanie. L’ensemble des responsables politiques israéliens, de tous bords, estiment que ce mouvement BDS est simplement une couverture contemporaine pour ceux qui nient aux juifs le droit à un Etat propre.

Natalie Portman avait accepté le prix Genesis, doté de 1,6 million d’euros, en décembre 2017. Il a récompensé par le passé l’acteur Michael Douglas ou l’ex-maire de New York Michael Bloomberg. La presse israélienne se confond en spéculations sur les raisons de son revirement. « Malgré ses efforts pour minimiser la signification de son geste, écrit le journaliste Chemi Shalev dans le quotidien Haaretz, Portman est comme un canari dans une mine de charbon pour les soutiens libéraux d’Israël partout dans le monde. » C’est-à-dire qu’elle pourrait ouvrir la voix à d’autres personnalités critiques qui ne craindraient plus d’être accusées d’hostilité à Israël.

« Avertissement »

Sans surprise, la droite lui a adressé de vives critiques. L’actrice a été accusée d’être contaminée par la propagande du Hamas. La ministre de la culture, Miri Regev, a estimé qu’elle était « tombée dans les bras » de la campagne BDS.

Mais d’autres voix se sont fait entendre. La députée Rachel Azaria, de la formation de centre-droit Koulanou, a vu dans le geste de l’actrice un « signal d’avertissement », le symptôme d’un divorce en cours entre une grande partie de la diaspora et la droite israélienne. « Elle exprime les voix de nombreuses personnes dans la communauté juive américaine, et particulièrement celles de la plus jeune génération », dit-elle.

Ce divorce, qui s’accroît depuis plusieurs années, a été particulièrement éclatant lorsque Benyamin Nétanyahou a renoncé au compromis qui avait été trouvé au sujet d’un accès mixte, mélangeant hommes et femmes, au Mur des lamentations, à Jérusalem, provoquant la fureur des juifs conservateurs et libéraux américains.