Quelque 2,7 milliards de dollars (soit 2,6 milliards d’euros) : c’est le montant consacré en 2016 à la lutte contre le paludisme dans le monde, dont 74 % pour des programmes déployés en Afrique. Le chiffre peut impressionner, il ne représente pourtant que 41 % du budget jugé nécessaire par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour atteindre les objectifs fixés par la Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme 2016-2030.

Présentation de notre série : Paludisme, la guerre d’usure

S’il reste du chemin à parcourir pour trouver les fonds nécessaires au contrôle, voire à l’éradication du paludisme dans certains pays, force est de constater que le début des années 2000 a marqué un tournant décisif. A la fin des années 1990, alors que les résistances aux anciens traitements sévissaient sur tout le continent africain, les budgets investis pour lutter contre le paludisme dépassaient à peine les 200 millions de dollars.

Implication du secteur privé

La création du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, en 2002, a changé la donne. En 2016, 57 % du financement international de la lutte contre le paludisme a transité par ce Fonds mondial. Et sur la période 2006-2016, plus de 9 milliards de dollars ont été investis dans plus de 100 pays.

Un financement complété par d’autres initiatives nationales, telles que la President’s Malaria Initiative (PMI) lancée en 2005 par l’Américain George W. Bush ou le programme d’aide bilatérale du Royaume-Uni. Outre sa participation au Fonds mondial (360 millions d’euros par an), la France contribue à la lutte contre le paludisme à travers l’Initiative 5 %, qui appuie les pays dans la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des subventions allouées par le Fonds mondial.

Près de 95 % des sommes collectées par le Fonds mondial proviennent des Etats, avec en première ligne les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. Mais des fondations et des entreprises apportent aussi leur contribution. « La Fondation Bill & Melinda Gates [partenaire du Monde Afrique] est le premier donateur privé. Jusqu’ici elle a contribué à hauteur de 1,6 milliard de dollars, précise le service de presse du Fonds mondial. Elle soutient également activement nos actions de communication et de plaidoyer ainsi que la collecte des fonds. »

L’implication du secteur privé est un élément important. « Il est essentiel de faire prendre conscience aux entreprises du coût de l’inaction. Le paludisme est la première cause d’absentéisme. Et l’on sait qu’une entreprise qui met en place des programmes spécifiques, comme la distribution de moustiquaires, peut réduire le nombre de cas de moitié en un an. Le retour sur investissement est rapide et important. Ce sont des arguments qui aident à sensibiliser les chefs d’entreprise », explique Erick Maville, président de la commission santé du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN).

Soutenir l’effort de recherche

« La recherche est primordiale dans la lutte contre le paludisme et les acteurs qui travaillent dessus ne sont pas si nombreux. Il faut à tout prix soutenir un effort de recherche consistant », martèle le docteur Marc Gastellu-Etchegorry, de Médecins sans frontières.

Les projets de recherche sont soutenus par des fonds spécifiques émanant de structures telles que la fondation britannique Wellcome Trust, les Instituts américains de la santé (NIH) et, pour une grosse part, de la Fondation Bill & Melinda Gates (partenaire du Monde Afrique).

En 2015, 572 millions de dollars (523 millions d’euros à l’époque) ont été distribués à des projets de recherche, soit 80 % des besoins annuels. Le développement de nouvelles molécules et de vaccins, mais aussi la recherche fondamentale, sont les principaux domaines financés. Entre 2010 et 2015, les laboratoires académiques et les institutions de recherche ont reçu 1,26 milliard de dollars pour des projets en lien avec le paludisme.

Les pays touchés par la maladie contribuent à hauteur de 30 % (environ 800 millions de dollars) au budget de la lutte contre le paludisme. « Beaucoup de pays dépendent encore principalement de l’aide internationale », relève Sylvie Chantereau, directrice des Amis du Fonds mondial Europe, une association qui mène des actions de plaidoyer pour soutenir les investissements de la communauté internationale dans le Fonds mondial : « La situation des financements domestiques consacrés au paludisme est contrastée et fragile, en particulier face aux multiples enjeux auxquels les Etats doivent faire face. »

Les contributions stagnent

L’OMS indique en effet qu’en 2016, sur les 41 pays les plus touchés, seuls sept n’ont pas réduit leur budget consacré à la lutte contre le paludisme. En moyenne, la participation des Etats ne dépasse pas 2 dollars par an et par habitant. « Nous ne pouvons pas toujours demander à être aidés, les fonds domestiques doivent augmenter, estime Awa Marie Coll Seck, infectiologue et ancienne ministre sénégalaise de la santé. Les parlementaires doivent être mieux informés, voire formés si cela est nécessaire, pour prendre conscience de la nécessité de ces investissements. »

S’il n’y a jamais eu autant d’argent pour lutter contre le paludisme, les contributions stagnent. Une tendance qui inquiète tous les acteurs de terrain. « Si on n’atteint pas le niveau de financement attendu, on peut perdre des millions de vies et réduire à néant le fruit des milliards de dollars investis. On ne peut pas s’arrêter à mi-chemin », tranche Awa Marie Coll Seck. Les derniers chiffres de l’OMS attestent malheureusement de la menace qui plane sur les progrès réalisés : en 2016, le nombre de cas de paludisme a augmenté pour la première fois depuis dix ans, passant de 211 à 216 millions.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Roll Back Malaria (RBM).

Sommaire de notre série Paludisme, la guerre d’usure

Dans une série en dix épisodes, Le Monde Afrique détaille les enjeux de la lutte contre cette maladie parasitaire qui a provoqué 445 000 décès dans le monde en 2016.

Présentation de notre série : Paludisme, la guerre d’usure