Manifestation organisée à Mexico, le 24 avril 2018, après le meurtre de trois étudiants par un cartel. / ULISES RUIZ / AFP

« Ciné oui, mort non ! », ont scandé, mardi 24 avril, plusieurs milliers de Mexicains dans les rues de Mexico (centre) et de Guadalajara (ouest), après le meurtre barbare de trois étudiants en cinéma. A l’instar du réalisateur oscarisé, Guillermo del Toro, et du célèbre acteur, Gael Garcia Bernal, le milieu du cinéma se mobilise au Mexique contre la violence record des cartels de la drogue.

Marco Avalos, 20 ans, Jesus Daniel Diaz, 20 ans, et Salomon Aceves, 25 ans, avaient disparu, le 19 mars, au retour d’un tournage près de Guadalajara, capitale de l’Etat de Jalisco, dans le cadre de leurs études à l’Université de médias audiovisuels (CAAV). Lundi, le parquet local a révélé que huit membres du Cartel Jalisco Nueva Generacion (CJNG) ont pris, à tort, les trois étudiants pour des narcotrafiquants rivaux.

Les tueurs les ont enlevés sur une route près de leur lieu de tournage, puis les ont torturés et tués, avant de dissoudre leurs corps dans des citernes d’acide. L’un des deux suspects arrêtés est un rappeur de 20 ans, surnommé QBA, qui a reconnu avoir touché 3 000 pesos (130 euros) pour cette macabre besogne.

Selon l’enquête, les victimes étaient au mauvais endroit au mauvais moment. Les trois étudiants avaient filmé durant deux jours un court-métrage dans une demeure appartenant à la tante de l’un d’eux. Leur seule erreur : avoir ignoré que la bâtisse avait servi de planque au Cartel Nueva Plaza, concurrent du CJNG. La tante, elle, est soupçonnée d’être liée à cette organisation criminelle, née d’une scission au sein du CJNG.

« Le pourquoi est impensable, le comment est terrifiant », s’est ému Guillermo del Toro, réalisateur mexicain

« Que ce cauchemar cesse ! », a réagi, lundi, Gaël Garcia Bernal sur son compte Twitter, faisant écho à l’indignation du réalisateur Alfonso Cuaron (Gravity, Oscar 2014). Le lendemain, Guillermo del Toro (La Forme de l’eau, Oscar 2018), qui vit aux Etats-Unis depuis l’enlèvement de son père, en 1997, tweetait : « Les mots manquent pour comprendre cette folie. (…) Le pourquoi est impensable, le comment est terrifiant. » Quant à l’acteur et producteur, Diego Luna, il a exprimé sa « rage » sur la Toile en signant son Tweet « #NoSonTresSomosTodos » (Ils ne sont pas que trois, c’est nous tous).

Un hashtag repris, mardi, sur les banderoles brandies par les manifestants, à Mexico et à Guadalajara, qui ont réclamé la fin des violences. Selon les autorités, 7 667 homicides ont été perpétrés au premier trimestre, soit une hausse de près de 20 % par rapport à la même période en 2017 dans un pays qui compte plus de 34 000 disparus, dont un tiers a moins de 24 ans.

Dans la foulée, des professionnels du cinéma, des professeurs et des organisateurs de festivals ont exigé des « conditions de sécurité pour filmer en extérieur ». Le milieu est déjà en deuil depuis le meurtre, en septembre, d’un assistant de production de la série Narcos, diffusée sur Netflix, lors d’un repérage dans l’Etat de Mexico.

En face, le procureur, Alfonso Navarrete, a promis l’arrestation de six autres suspects en cavale. Deux mois avant le scrutin présidentiel du 1er juillet, les cinq candidats lui ont emboîté le pas pour condamner le crime et exiger justice, alors que l’insécurité est la première préoccupation des électeurs. Les étudiants de la CAAV et les proches de disparus appellent à une nouvelle manifestation, jeudi, à Guadalajara.