Documentaire sur France 5 à 22 h 35

Bernard Cazeneuve face à Serge Moati. / France 5

Depuis plus de trente ans, Serge Moati en a vécu des campagnes politiques surprenantes. Fidèle à ses habitudes, armé d’une petite caméra, filmant au plus près, au plus proche des candidats et des militants, l’expérimenté réalisateur ne s’attendait pourtant pas à vivre celle de 2017 en étant autant surpris, pour ne pas dire perturbé. « Rien ne s’est passé comme prévu », résume-t-il.

De fait, les primaires à droite comme à gauche, l’affaire du « Penelopegate » qui plomba François Fillon, le raid Macron ou la montée de La France insoumise, les éliminations, les cassures et les coups de théâtre ont frappé Moati au cœur. Et réveillé sa curiosité pour le monde politique français qui, reconnaît-il, s’était un peu émoussée.

Son documentaire Ma dernière campagne vaut le détour. Car le journaliste, tel un photographe de haut vol, sait capter l’instant décisif, le regard qui change, la parole qui échappe. Il sait, en restant discret, sans matériel technique envahissant, tirer des vérités aux candidats ou aux militants les plus excités. Il est tout proche et en même temps, comme dirait le locataire de l’Elysée, à distance suffisante pour commenter la scène avec un ton immédiatement reconnaissable ; sa voix douce oscillant entre ce qu’il faut d’ironie et de décalage.

Alternant les scènes sur le vif d’une campagne brutale et des images d’archives épatantes (Jean-Luc Mélenchon en 1977, Benoît Hamon jeune militant en 1995, Marine Le Pen folle de joie après la qualification de son père au second tour de la présidentielle 2002…), Serge Moati réussit une fois encore son pari de donner chair et sang à la politique. Dès les premières images, on plonge dans le bain avec ce face-à-face entre le réalisateur et un candidat Macron au regard dur, juste avant un meeting à Lille.

Les témoignages d’après-campagne valent aussi le détour : Hamon, Mélenchon, Bayrou, Cazeneuve, tous se livrent sans retenue. Et le retour de Moati à Montretout, au domicile familial de Jean-Marie Le Pen, là même où il était le seul à le filmer en 2002, clôt avec quelques paroles nostalgiques, des regards et des silences explicites la comédie humaine de cette campagne 2017. A aujourd’hui 71 ans, le réalisateur suivra-t-il celle de 2022 ? En attendant, il est déjà au travail sur d’autres projets : Force ouvrière et Israël sont dans son viseur.

Ma dernière campagne, de Serge Moati (Fr., 2018, 75 min).