La seconde explosion s’est produite quelques minutes après la première attaque, visant les journalistes accourus sur place, lundi 30 avril. / Massoud Hossaini / AP

L’essentiel

  • Au moins 37 personnes, dont dix journalistes, sont mortes lundi 30 avril en Afghanistan, dans une série d’attentats à Kaboul et dans le sud du pays.
  • Un double attentat suicide, revendiqué par l’organisation Etat islamique (EI), a d’abord frappé la capitale, faisant au moins 25 morts, dont neuf journalistes, et 49 blessés. La première attaque visait apparemment le siège des services de renseignements afghans. Arrivés sur les lieux pour couvrir l’attentat, les journalistes ont été tués par une deuxième déflagration. Le kamikaze qui a visé la presse s’était glissé parmi les reporters, faussement « muni d’une caméra ».
  • Ce double attentat a été suivi par un autre attentat suicide à Kandahar, dans le sud du pays, qui a tué onze enfants, et par le meurtre par balles d’un reporter afghan de la BBC à Khost, dans le sud-est. Ces attaques n’ont pas été revendiquées.

Le chiffre

10

C’est le nombre de journalistes tués dans la série d’attentats qui a frappé le pays lundi. L’organisation Reporters sans frontières (RSF) et le Centre des journalistes d’Afghanistan (AJC) ont recensé neuf journalistes tués dans le double attentat à Kaboul, dont le chef photographe de l’Agence France-Presse (AFP) à Kaboul, Shah Marai.

Huit autres journalistes présents, selon l’AJC confirmée par RSF, ont été fauchés par cette explosion. Tous travaillaient pour une radio ou des télévisions afghanes, dont un pour la chaîne Tolo News, déjà très éprouvée par un attentat revendiqué par les talibans en 2016, qui avait fait sept morts parmi ses employés.

« Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière [contre des journalistes] depuis la chute des talibans en décembre 2001 », souligne RSF dans un communiqué. Il « visait sciemment la presse », estime l’ONG.

Un reporter afghan de la BBC en pachtou, Ahmad Shah, a par ailleurs été tué par balles à Khost dans le sud-est de l’Afghanistan, a annoncé la radio-télévision britannique à Kaboul.

La citation

« Nous sommes anéantis par la mort de notre photographe Shah Marai, qui témoignait depuis plus de quinze ans de la tragédie qui frappe son pays. La direction de l’AFP salue le courage, le professionnalisme et la générosité de ce journaliste qui avait couvert des dizaines d’attentats avant d’être lui-même victime de la barbarie », a déclaré Michèle Léridon, directrice de l’information de l’AFP.

De nombreux messages de sympathie et de condoléances ont afflué au bureau de l’AFP à Kaboul. Un autre journaliste de l’agence, Sardar Ahmad, avait été tué en mars 2014 avec sa famille dans un attentat taliban. Seul l’un de ses enfants, alors âgé de trois ans, en avait réchappé.

L’image

Des proches, des collègues et des amis prient près de la tombe de Shah Marai, chef photographe de l’AFP à Kaboul, tué dans un double attentat suicide qui a frappé la capitale tôt lundi. / Rahmat Gul / AP

Shah Marai, 48 ans, travaillait pour le bureau de l’AFP à Kaboul depuis 1996 et en était devenu un pilier. Grand gaillard mince aux yeux très bleus, il avait largement contribué à la couverture de l’Afghanistan lorsque le pays était sous le régime taliban et à celle de l’invasion américaine de 2001, ainsi qu’à tous les rebondissements qui ont suivi.

« J’ai appris tout seul la photographie, donc je cherche toujours à m’améliorer. Et maintenant mes photos sont publiées dans le monde entier », relevait-il.

Et après ?

Ces attaques surviennent alors que les talibans ont officiellement lancé mercredi leur offensive de printemps, rejetant ainsi implicitement de récents appels du gouvernement afghan visant à entamer des négociations de paix.

Kaboul est devenu selon l’ONU l’endroit le plus dangereux d’Afghanistan pour les civils, avec depuis un an une recrudescence des attentats d’ampleur, généralement perpétrés par des kamikazes et tour à tour revendiqués par les talibans ou l’EI.