Alors qu’une élection présidentielle doit avoir lieu fin 2018, Madagascar connaît une nouvelle crise politique depuis l’adoption, le 3 avril, de lois électorales contestées par l’opposition. La tension s’est accentuée après la manifestation du 21 avril, qui a fait au moins deux morts et 17 blessés à Antananarivo. Désormais, les députés de l’opposition réclament la démission du président Hery Rajaonarimampianina. Alors que les manifestations ont repris lundi 30 avril sur fond d’appel à la grève générale et que l’opposition a appelé au blocage des administrations et des ministères, le chef de l’Etat a répondu, dimanche, aux questions de l’AFP, RFI et Le Monde Afrique.

L’opposition réclame votre démission. Que lui répondez-vous ?

Hery Rajaonarimampianina Je suis président par la volonté du peuple malgache. Ce serait le trahir que de quitter le pouvoir alors que ce sont non pas des milliers, mais des millions de personnes qui m’ont élu. Ce n’est d’ailleurs pas une question d’effectif ou de nombre ; c’est une question de principe et de légalité.

Au moins deux personnes sont mortes le 21 avril : les forces de l’ordre sont accusées d’avoir tiré à balles réelles sur les manifestants…

Qui accuse les forces de l’ordre ? Je pense que personne n’a donné instruction aux forces armées de tirer, surtout à balles réelles. C’est une méthode pour dire que les responsables, ce sont le gouvernement ou les autorités. Mais je peux vous dire, sans préjuger des conclusions de l’enquête en cours, que les premiers résultats de l’autopsie révèlent que ce ne sont pas les militaires qui ont tiré. On a tiré sur un blessé à la chevrotine. Est-ce que les militaires tirent avec des chevrotines ? Les militaires n’ont pas tiré sur les manifestants, c’est ma conviction la plus profonde, mais laissons l’enquête se poursuivre.

Les lois électorales sont à l’origine de la contestation. L’opposition dénonce des textes trop favorables au pouvoir et accuse les députés de la majorité d’avoir été soudoyés pour les adopter. Pensez-vous que ces lois doivent retourner au Parlement ?

Ces lois ont été élaborées sur un temps relativement long. On a commencé à discuter de la nécessité de rénover les lois électorales en 2016. Donc tout le monde a été appelé, de manière inclusive et participative, à la discussion concernant le processus électoral. Tout le monde y a participé, opposition comme société civile. Tout le monde a pu discuter dans le cadre de ce processus. Il y a eu un forum, puis des commissions, et évidemment il appartient ensuite au gouvernement de rédiger ces lois, puis de les soumettre au Parlement. Et je peux vous dire que les règles d’approbation de ces lois ont été scrupuleusement respectées.

Aucun député de la majorité n’a donc été corrompu ?

Si vous l’affirmez, alors apportez-moi les preuves. Chaque fois que des lois sont votées à l’Assemblée nationale, on parle de corruption. Mais les lois votées dans le passé ne sont pas toujours des textes proposés par le gouvernement. Le gouvernement propose des lois, il appartient ensuite aux députés et aux sénateurs d’apporter des amendements, des corrections.

Quelles sont vos relations avec vos opposants, les anciens présidents Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina ?

Mes relations ne se placent pas du tout dans le cadre d’une logique d’affrontement. Je n’ai jamais eu de discussion avec le président de la transition Andry Rajoelina. Ils ne m’ont pas consulté pour leur candidature, je l’ai appris à la radio et à la télévision. Ils étaient quasiment en campagne à ce moment-là.

Voyez-vous un inconvénient à leurs candidatures ?

Pas du tout. D’ailleurs il n’appartient pas à un président de la République en exercice de se prononcer sur des candidatures. S’ils sont candidats et que les dispositions légales le permettent, il n’y a aucun inconvénient.

Que pensez-vous du fait qu’Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana se soient rendus sur la place du 13-Mai, où ont lieu les manifestations ?

Cela m’étonne. Si on est candidat, me semble-t-il, on est candidat dans le cadre d’une élection, pas dans le cadre d’une manifestation dans la rue. Si on est prêt à être candidat, je crois que c’est par la voie des élections qu’il faut passer. C’est la règle légale et le principe de la démocratie.

Serez-vous candidat à votre succession lors de l’élection prévue en fin d’année ?

Mon rôle, aujourd’hui, c’est de travailler. On a beaucoup de projets à mettre en œuvre actuellement. Ce n’est qu’en décembre 2016 qu’on a pu avoir les financements nécessaires suite à la conférence de Paris, et ce n’est que l’année dernière qu’on a pu mettre véritablement en place ces financements, que ce soit de la part de bailleurs de fonds ou d’investisseurs. À mon avis, le plus important après cinquante-cinq ans de pauvreté, c’est de travailler pour l’économie et le développement. C’est la lutte contre la pauvreté qui est la priorité de tous.