José Mariano Beltrame, en 2016 à Rio. / VANDERLEI ALMEIDA / AFP

Pendant près de dix ans, il fut le « super-flic » de l’Etat de Rio de Janeiro. Un gars « réglo », droit comme la justice, déterminé à apaiser les favelas de l’ancienne capitale brésilienne grâce à l’implantation des unités de police pacificatrices (UPP), une police de proximité qui gonflait d’espoir le cœur des Cariocas et promettait de mettre fin à la logique tueuse des forces de l’ordre. José Mariano Beltrame, secrétaire à la sécurité de Rio de 2007 à 2016, était-il en réalité l’un de ces « ripoux » qui gangrènent le Brésil ? Alors que l’échec patent des UPP remplit de tristesse le jeune retraité de 60 ans, voici que son nom fait la « une » du quotidien O Globo dimanche 19 avril : M. Beltrame aurait reçu chaque mois, entre 2007 et 2014, 30 000 reais (7 100 euros) de pots-de-vin. La somme aurait été versée à son épouse, professeure d’éducation physique. C’est ce que dénonce Carlos Miranda, un économiste accusé d’être le principal opérateur du système de corruption orchestré par l’ancien gouverneur de Rio, Sergio Cabral, dont la peine cumulée atteint un siècle de prison.

Les aveux de M. Miranda sont le fruit d’une collaboration avec la justice visant à obtenir la mansuétude des juges. Homologuées par la Cour suprême, de telles confessions requièrent d’être corroborées par un minimum de preuves pour être validées, rappellent les spécialistes. M. Beltrame crie à la calomnie, évoquant « la surprise et le dégoût » face à des propos tenus par une personne « qui risque sérieusement de passer les vingt prochaines années derrière les barreaux » et « qu’il connaît mal ». Puis, conclut : « Je veux m’adresser, les yeux dans les yeux, à ceux qui croient à mon intégrité. Je veux leur dire que cette accusation, en plus d’être fantaisiste, n’a aucun fondement. »

Abîme moral sans fin

Le soupçon qui entache la réputation d’un homme de loi réputé intègre enfonce le pays et Rio en particulier dans un abîme moral qui semble n’avoir pas de fin. La région, hier sous les lumières des Jeux olympiques, a désormais la quasi-totalité de son ancien état-major politique sous les verrous ; ses finances sont en lambeaux ; le narcotrafic et la violence qui gangrènent ses rues ont conduit Brasilia à décréter une intervention militaire.

« Il faut que ces dénonciations soient clarifiées pour ne pas détruire une réputation, estime Adilson Paes de Souza, lieutenant-colonel de réserve de la police militaire et auteur d’un livre critique sur les forces de l’ordre, O Guardiao da Cidade (« le gardien de la ville », 2014, non traduit). Beltrame est un modèle, et si tout cela était prouvé, le choc serait énorme pour Rio, dont la situation frise déjà le chaos. Cela compromettrait la réputation de toute la police, portant préjudice au peu de confiance que les Brésiliens ont encore dans les institutions. »

Le soupçon visant M. Beltrame surgit quelques jours à peine après que les commandants responsables de l’intervention militaire ont décidé la fermeture d’une vingtaine d’unités de police pacificatrice implantées dans les favelas. Un symbole.