Film sur OCS Choc à 20 h 40

ALI Trailer
Durée : 02:56

Un jeune homme noir court dans la rue. Un jeune homme noir chante sur scène. Le premier s’appelle encore Cassius Clay, le second Sam Cooke. Pour ouvrir Ali, Michael Mann a construit cette séquence triomphale, qui juxtapose d’abord, puis mêle intimement la boxe et la musique. La gloire athlétique du jeune champion olympique qui s’apprête à devenir champion du monde professionnel a pour contrepoint la séduction mystique et sexuelle qu’exerce Cooke (chanteur de gospel passé du côté du diable) sur son public.

Nous sommes en 1964, aux Etats-Unis ; les murs s’effondrent : le rhythm’n’blues fait danser les Blancs ; les Noirs manifestent dans les Etats du Sud, bravant les balles, les canons à eau et les chiens policiers pour avoir le droit de s’asseoir à l’avant des bus. Avec son sens de l’héroïsme visuel, Michael Mann compose, pendant les premières minutes d’Ali, un hymne cinématographique aux espoirs de ce moment de l’histoire.

Ce beau et long film ne se remet jamais tout à fait de cette poussée d’adrénaline. Cette juste euphorie ne dura d’ailleurs qu’un instant et s’acheva avec l’assassinat de Martin Luther King et les émeutes des ghettos noirs en 1968.

Will Smith incarne Muhammad Ali. / COLUMBIA PICTURES

Après avoir porté au pinacle son héros, le réalisateur doit le guider à travers les pièges tendus sur sa route. C’est le moment où Cassius Clay devient Muhammad Ali, la ­figure de proue de la Nation de ­l’islam, la secte dirigée par Elijah Muhammad, et finit par refuser la conscription publiquement. WillSmith accumule les propositions, donnant de son personnage des versions parfois presque incompatibles. C’est sans doute le seul moyen de s’approcher de la vérité.

Grâce à un scénario très précis, on suit sans peine les tribulations du champion condamné à l’inactivité (sa licence professionnelle lui a été retirée après son refus de la conscription). L’inactivité ne seyant guère à l’hyperactif Michael Mann, celui-ci se concentre alors sur la secte d’Elijah Muhammad, dont il dénonce l’implication dans l’assassinat de Malcolm X, en 1965.

Symptomatique de la volonté de ne rien celer de la vie du champion, la rupture entre Ali et Malcolm (Mario Van Peebles) est filmée de façon que le boxeur se ­retrouve dans la peau de Judas. En revanche, le repas au cours ­duquel Ali apprend que la Cour suprême des Etats-Unis a annulé sa condamnation prend des allures de Cène, dont l’apôtre Pierre ­serait Bundini (Jamie Foxx), personnage essentiel dans la cour qui entoure le boxeur.

« Ali, tue-le ! »

Le troisième acte peut alors s’ouvrir, qui culmine avec la victoire sur Foreman à Kinshasa, devant une foule en délire qui hurle « Ali bumaye » (« Ali, tue-le ! », en lingala). La manière de filmer le combat, qui montre les corps des boxeurs comme englués dans une invisible mélasse, Ali n’étant plus que l’image au ralenti de l’artiste qui vainquit Sonny Liston, évoque de manière saisissante le poids sur­humain de cette décennie.

Au moment où se termine le film, Muhammad Ali est champion du monde, les Etats-Unis sont sur le point de quitter le Vietnam. Le boxeur va s’enfoncer dans la défaite et la maladie, son pays va rétablir son emprise sur le monde. A l’écran, ce triomphe qui masque les défaites à venir a pris chair.

Ali, de Michael Mann. Avec Will Smith, Ron Silver, Jamie Foxx, Nona Gaye, Jon Voight (Etats-Unis, 2001, 160 min).