L’ancien international marocain Mustapha El Haddaoui (56 ans, 38 sélections) est le seul joueur africain à avoir participé aux Coupes du monde au Mexique (1986) et aux Etats-Unis (1994), deux des trois pays (avec le Canada) qui se sont associés pour se porter candidats, face au Maroc, à l’organisation du Mondial 2026. L’ex-milieu de terrain des Lions de l’Atlas, qui en 1986 avait atteint les huitièmes de finale, se souvient de conditions de jeu particulièrement difficiles à Monterrey, Guadalajara, Orlando ou East Rutherford. Autant de villes retenues pour 2026. Les candidatures marocaine et nord-américaine seront départagées le 13 juin à Moscou.

Vous avez participé à la Coupe du monde 1986 au Mexique. Pour des raisons de droits de retransmission, les matchs étaient programmés en pleine journée. En avez-vous souffert ?

Mustapha El Haddaoui Oui. Et aussi, dans certaines villes, de l’altitude. A l’époque, notre sélectionneur était le Brésilien José Faria et le préparateur physique s’appelait Jorvan Vieira. Ils connaissaient donc bien l’Amérique latine et le Mexique et n’ignoraient rien des conditions climatiques en juin-juillet. On devait jouer deux de nos trois matchs du premier tour à Monterrey et l’autre à Zapopan, dans la banlieue de Guadalajara, une ville située en altitude [1 600 m]. Le coach avait donc décidé de nous emmener pendant un mois à Monterrey pour notre stage. C’était compliqué pour nous, car c’était le ramadan. Faria avait donc prévu de nous faire jouer des matchs amicaux à des horaires comparables à ceux de la Coupe du monde. On s’entraînait à 7 heures du matin, parfois à 10 ou 15 heures.

Quelles étaient les principales difficultés rencontrées par les joueurs lors des matchs de phase finale ?

La sensation de soif. A l’époque, les arbitres n’interrompaient pas le jeu pour que les joueurs puissent se désaltérer. Alors on essayait d’aller boire un peu d’eau ou des boissons énergisantes dès qu’on pouvait se rapprocher du banc de touche. La chaleur, l’altitude et le taux d’humidité ont une influence évidente sur le jeu lui-même. Pour nous, joueurs marocains habitués à disputer des matchs en Afrique sous la chaleur, c’était déjà compliqué. Alors imaginez pour nos adversaires anglais, polonais, portugais et allemands… Ils souffraient beaucoup.

J’avais été frappé de voir des joueurs de très haut niveau, tels le Polonais Boniek, les Anglais Lineker, Hateley ou Barnes, ne pas avoir le rendement habituel. On voyait qu’ils essayaient de gérer leur effort et cela se ressentait sur le rythme des matchs. Mais ce qui m’avait le plus surpris, c’était de voir l’Allemand Hans-Peter Briegel, pourtant une force de la nature, lors du huitième de finale que nous avions perdu [0-1]. Il était vraiment en difficulté, il avait du mal à répéter les efforts, à faire les allers-retours. J’ai cru qu’il allait exploser !

Aux Etats-Unis, en 1994, quels étaient les problèmes rencontrés par les joueurs ?

On devait jouer encore plus tôt, à midi ! Ce n’était pas habituel pour les joueurs. L’heure idéale pour jouer au football, c’est le soir. Mais là encore, pour des questions de droits télé, on devait jouer à midi, avec des températures qui pouvaient atteindre les 40 °C. Quand vous jouez à midi, c’est toute la préparation qui est chamboulée. Il faut se lever très tôt et prendre un petit-déjeuner adapté. Le sommeil est également perturbé. Il faut s’entraîner à midi pour s’adapter. En Europe, on ne fait quasiment jamais ça. En fait, en ajoutant les voyages et les matchs tous les trois jours, on est un peu déboussolé.

Les conditions que vous avez connues au Mexique et aux Etats-Unis sont-elles risquées pour la santé des joueurs ?

Pour limiter les risques, il faut que les joueurs soient vraiment très bien préparés. Jouer à midi en plein soleil au Mexique, sous des températures très élevées, ce n’est pas naturel. A partir du moment où les joueurs sont exposés à la chaleur et à l’humidité, ils sont obligatoirement obligés de gérer leurs efforts. Cela aura une influence sur le rythme des matchs et donc sur le spectacle. En 1986 et 1994, certaines rencontres manquaient franchement d’intensité.