Fin mars 2017, le laboratoire Merck a commercialisé une nouvelle formule du Lévothyrox. A l’automne, le gouvernement a annoncé le rétablissement de l’ancienne formule. Il a toutefois indiqué que ce retour était temporaire. / CHARLES PLATIAU / REUTERS

La mobilisation pour le retour définitif de l’ancienne formule du Lévothyrox, ce médicament destiné à corriger l’hypothyroïdie, ne faiblit pas. Mercredi 2 mai après-midi, à l’initiative de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), quelques centaines de personnes – une majorité de femmes – se sont rassemblées face au ministère de la santé, à Paris.

Pendant que la ministre, Agnès Buzyn, recevait des représentants d’associations de patients et des professionnels de santé, les témoignages de responsables associatifs et de malades se sont succédé, avec un message commun : réclamer le maintien de l’ancienne formule du médicament, appelée Euthyrox, actuellement distribuée au compte-gouttes dans les pharmacies françaises.

Face aux polémiques et plaintes suscitées par la mise sur le marché, fin mars 2017 par le laboratoire Merck, d’une nouvelle formule du Lévothyrox, le gouvernement avait, à l’automne, annoncé le rétablissement de l’ancienne formule. Les autorités avaient toutefois indiqué que ce retour était temporaire. Aujourd’hui, l’arrêt définitif de la commercialisation de l’Euthyrox au-delà de 2018 inquiète particulièrement les malades.

Approvisionnement en Allemagne

« J’ai fait des stocks pour deux ans, explique par exemple Christine Froment, présidente du collectif Victimes du Lévothyrox Champagne-Ardenne, venue de Troyes pour l’occasion. Après huit ans de traitement à l’Euthyrox, elle raconte que le passage à la nouvelle formule sans avertissements lui a provoqué en l’espace de vingt et un jours « une extrême fatigue, des envies de suicides », ainsi que des problèmes moteurs. Le retour à l’ancienne formule lui à « redonné la forme en à peine cinq jours », assure-t-elle.

Comme beaucoup d’autres patients, elle s’approvisionne désormais en Allemagne, malgré les dépenses supplémentaires que cela implique. « Les pharmacies étrangères ont désormais un fonctionnement bien rôdé », confirme Brigitte Chardigny, malade de la thyroïde depuis vingt-cinq ans. Elle-même dit avoir subi des effets secondaires de la nouvelle formule du Lévothyrox pendant six mois, jusqu’à devenir « l’ombre d’elle-même ».

Depuis octobre, cette Lyonnaise a traversé une fois la frontière italienne, et commandé deux fois des boîtes d’Euthyrox par téléphone à une pharmacie allemande. Malgré le retour à l’ancienne formule, elle dit garder des séquelles au niveau du système neurologique, visuel et cardiaque.

« Fini d’être cobayes »

L’arrivée sur le marché français de cinq nouveaux médicaments alternatifs au Lévothyrox (L-Thyroxin Henning, Thyrofix, TCAPS) n’a pas convaincu un certain nombre de malades d’abandonner l’ancienne formule. « C’est fini d’être cobayes, s’insurge Annie Attias, 59 ans, contrainte de prendre de l’Euthyrox depuis son cancer de la thyroïde en 2011. Je ne vais pas revivre les effets secondaires d’il y a un an. »

Certaines personnes se disent néanmoins prêtes à sauter le pas de ces nouveaux médicaments. Membre de l’AFMT, Sylvie Guillota raconte avoir subi les effets secondaires du nouveau traitement à l’été 2017. Elle cite des problèmes articulaires, des vertiges, des troubles de la vision… « C’est bien simple, je n’arrivais même pas à marcher 500 mètres sur la plage de Saint-Malo, se souvient-elle. C’est comme si on m’avait débranché la prise et je n’avais plus aucune énergie vitale. »

Il lui a fallu changer d’endocrinologue pour pouvoir se faire prescrire de la L-Thyroxine, produite par les laboratoires Serb, seule alternative au Lévothyrox il y a un an. Elle dit aller mieux aujourd’hui, malgré une fatigue encore difficile à endiguer, et s’apprête à délaisser son traitement actuel pour le médicament TCAPS, des laboratoires Genevrier qui ont obtenu l’autorisation de le commercialiser en France depuis avril. « J’avais des inquiétudes sur le dosage, mais tous les retours que nous avons sont positifs », juge-t-elle.

« Il n’y a pas de volonté de la part du gouvernement de faire bouger les lignes afin d’imposer plus de transparence aux industriels »

Outre le maintien de la production et de la commercialisation de l’ancienne formule Euthyrox, les malades sont surtout en quête de réponses de la part de Merck et du gouvernement. Pourquoi avoir voulu retirer une formule qui convenait à 3 millions de patients ? Pourquoi ne pas avoir conservé les deux versions en circulation ? Et pourquoi les effets secondaires n’ont-ils pas atteint tous les malades ?

« Je me moque des dédommagements, explique Sylvie Guillot. Je veux qu’on fasse la lumière sur ce qu’il s’est passé, pour que cela ne puisse plus se reproduire ». Beaucoup de patients se disent toutefois sans illusions. « Il n’y a pas de volonté de la part du gouvernement de faire bouger les lignes afin d’imposer plus de transparence aux industriels, soupire Edith, sous traitement depuis qu’on lui a retiré la thyroïde. La ministre, Agnès Buzyn, ne reconnaîtra surtout jamais que l’Agence nationale de santé et du médicament (ANSM) a commis des erreurs. »

Le ministère de la santé comptabilise 17 000 cas de malades ayant subi des effets indésirables. Il s’appuie sur le nombre de signalements effectués auprès de l’Agence du médicament, soit 0,75 % des patients.

« Il faut que la France cesse d’être dans le déni », lance Nell Gaudry, porte-parole de l’AFMT. « On ne demande pas la guillotine, assure Edith. On souhaite simplement que les choses rentrent dans l’ordre pour pouvoir reprendre nos vies. »