Jerome Powell, président de la Réseve fédérale, à Washington, le 21 mars. / Carolyn Kaster / AP

L’inflation est de retour, vive l’inflation ! C’est au fond le message qu’a fait passer mercredi 2 mai la Réserve fédérale américaine (Fed), qui a choisi de ne pas remonter plus rapidement que prévu ses taux d’intérêt. Ils sont restés compris entre 1,5 % et 1,75 %, après avoir été augmentés d’un quart de point en mars. Dans un communiqué qui a ravi les exégètes, l’institution présidée par Jerome Powell a de facto signifié que l’absence d’inflation n’était plus un sujet et qu’elle allait sans doute laisser filer la hausse des prix au-delà de 2 %.

Le retour de l’inflation avait été acté, lundi 30 avril, lorsque le département du commerce a indiqué que la hausse des prix sur un an avait atteint 2 % en mars contre 1,6 % en février. Ainsi est-il mis fin à l’incroyable stagnation de 2017 qui avait laissé circonspecte Janet Yellen, alors présidente de la Fed, même si une explication avait été trouvée avec la baisse des prix dans la pharmacie et les télécommunications. Il n’empêche, le soulagement est net. La pénurie de main-d’œuvre permet enfin aux salaires d’augmenter à un rythme de 2,9 %. Du jamais-vu depuis 2008.

S’y ajoutent quelques éléments plus perturbants mais bienvenus : la baisse du dollar, la hausse du pétrole et les menaces de guerres tarifaires qui font monter les prix. Mais pas de vraie surchauffe comme en témoigne le retrait de la consommation. Dans ce contexte, dans son communiqué, la banque centrale des Etats-Unis s’est réjouie de ce que l’inflation se situait à un niveau proche de 2 %. Elle ne déplore plus que cet objectif ait été manqué et n’indique plus qu’elle surveille de près l’évolution des prix, contrairement à ce qu’elle écrivait encore en mars.

Second enseignement, la Fed devrait laisser l’inflation dépasser les 2 %, qui devront être une moyenne, pas un plafond. En langage de banquier central, le communiqué est une merveille : « L’inflation sur une base annualisée devrait s’approcher de l’objectif symétrique de 2 % à moyen terme. » Tout est dans le « symétrique » ! Les économistes américains débattaient depuis des mois sur l’attitude à adopter lorsque les prix remonteraient enfin : faudrait-il limiter la hausse strictement à 2 % en remontant les taux au moindre signe de surchauffe, au risque de casser la croissance, ou au contraire laisser s’opérer un rattrapage après des années d’inflation inférieure à 2 % ? Quitte, par exemple, à tolérer un 3 % sur une certaine période ? Ce débat est fondamental pour la crédibilité de la Fed : elle doit faire comprendre que son objectif de 2 % est réellement tenu sur la durée, pour que les acteurs intègrent qu’ils subiront une inflation de ce niveau. Ces anticipations sont indispensables pour que la Fed puisse par sa politique monétaire dicter le comportement des acteurs – entreprises, banques, salariés, consommateurs – et les empêcher de parier sur une baisse de prix.

Prudence

Visiblement, M. Powell, qui a grande confiance dans la solidité de l’économie américaine, n’exclut pas la seconde option. Il se montre extrêmement prudent, même si au moins deux hausses supplémentaires du loyer de l’argent sont attendues cette année, la prochaine en juin.

Cette normalisation s’accompagne d’une remontée des taux d’intérêt à dix ans, qui ont franchi la semaine dernière la barre des 3 %, et d’un rebond du dollar, l’euro étant même repassé brièvement sous les 1,20 dollar. Avec l’inflation, la faiblesse du billet vert fut le second mystère de 2017 pour les économistes, qui s’attendaient à sa remontée en raison de la hausse du loyer de l’argent aux Etats-Unis, plus rapide que dans le reste du monde. Comme toujours, on a trouvé une explication ex post : un effet Trump négatif pesant sur le dollar et la reprise en Europe qui a conduit des capitaux à traverser l’Atlantique. Le mouvement actuel convient plus aux analystes orthodoxes.

Restent deux sujets sur lesquels la Fed est discrète, voire muette. La relance budgétaire procyclique, et donc malvenue, du président Donald Trump et ses menaces de guerre commerciale, qui pour l’instant n’ont pas d’impact macroéconomique même si elles créent des perturbations sectorielles. Manifestement, M. Powell veille à ne pas dire un mot sur le maelström politique à Washington. Ce silence est la meilleure protection contre une interférence politique, dont la forme la plus commune est désormais un Tweet rageur au petit matin du président américain. Faute de liberté de parole, M. Powell, lui, garde l’essentiel, sa liberté d’action