C’est dans l’immense demeure de l’écrivain français Edmond Rostand que des experts internationaux ont pris acte de la dissolution d’ETA. / VINCENT WEST / REUTERS

Un appel à la « réconciliation », en « tournant la page » de la dernière insurrection armée en Europe occidentale : c’est le vœu exprimé par des experts et personnalités internationaux réunis vendredi 4 mai à Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques), pour prendre acte de la dissolution de l’organisation indépendantiste basque Euskadi ta Askatasuna (ETA, « Pays basque et liberté »), annoncée jeudi à Genève.

« Aujourd’hui est un jour de célébration », a lancé, vendredi midi, l’avocat sud-africain Brian Currin à la tribune dressée dans une grande salle de la villa Arnaga de Cambo, l’immense demeure de l’écrivain français Edmond Rostand, ouvrant cette « rencontre internationale pour avancer dans la résolution du conflit au Pays basque ».

Selon l’avocat de 67 ans, la dissolution d’ETA est « un engagement à prendre part au processus démocratique » des institutions espagnoles, « ce qui nécessitera la réconciliation ».

ETA a annoncé jeudi sa dissolution et la fin de toute activité politique, un an après avoir remis ses armes aux autorités, sept ans après avoir proclamé la fin de son action armée et près de soixante ans après sa naissance, en 1959.

« Construire la paix est bien plus difficile »

« Le point de départ doit être le dialogue », a déclaré Gerry Adams, qui milita pendant trente-quatre ans contre la souveraineté britannique sur l’Ulster. « Construire la paix est bien plus difficile » que faire la guerre, a dit l’ancien dirigeant du Sinn Fein.

L’ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, dont une déclaration a été lue à la tribune, a souligné le caractère « historique » de cette journée. « La déclaration d’ETA marque la fin de l’histoire difficile de l’Espagne [et] montre que le dialogue politique est durable alors qu’il reste beaucoup à faire pour guérir les blessures. »

Si l’ancien premier ministre irlandais Bertie Ahern, l’homme politique mexicain Cuauhtémoc Cardenas, et Jonathan Powell, diplomate britannique, étaient également présents à Cambo-les-Bains vendredi, ni le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy ni le gouvernement basque, présidé par Iñigo Urkullu, n’y ont envoyé de délégation. Afin d’éviter de cautionner la mise en scène finale.

« Pas d’impunité »

« Aujourd’hui, nous pouvons dire catégoriquement que la démocratie espagnole a vaincu ETA. ETA disparaît, mais les dégâts causés ne disparaissent pas, pas plus que la douleur irréparable qu’elle a semée tant de fois », a déclaré M. Rajoy à Madrid. L’organisation séparatiste basque « n’obtiendra rien en annonçant sa dissolution », a-t-il martelé.

M. Rajoy a rendu hommage à toutes les victimes d’ETA « sans distinction » et a promis que tous « ces crimes seraient jugés », qu’« il n’y aura pas d’impunité ». « Aujourd’hui, alors qu’ETA a enfin annoncé sa dissolution, il faut que nos pensées soient pour les victimes », a-t-il dit, citant le chiffre de 853 morts, selon le dernier comptage du gouvernement.

« J’invite toute la société espagnole à se souvenir [des victimes] une par une dans la singularité de leurs vies arrachées (…) Ce n’est pas une statistique, ce sont des personnes », a ajouté M. Rajoy.

Le Collectif des victimes du terrorisme (Covite) a exigé qu’ETA condamne la terreur et cesse de rendre des hommages publics à ses militants quand ils sortent de prison. Il attend aussi qu’elle fasse la lumière sur 358 crimes encore inexpliqués.

La question des prisonniers

Selon les experts, l’organisation comptait, à la veille de sa dissolution, moins d’une vingtaine de membres. Le gros de ses troupes se trouve en prison : près de 230 détenus en Espagne, une cinquantaine en France.

A ce propos, Iñigo Urkullu, président du gouvernement basque, déclarait jeudi que M. Rajoy « est sensible à la question » de la fin de la « politique de dispersion » appliquée aux prisonniers étarras détenus dans des établissements pénitentiaires éloignés du Pays basque.

Il a reconnu qu’il « travaill[ait] avec le gouvernement espagnol pour le rapprochement des prisonniers d’ETA » dans des prisons à proximité du Pays basque. « Il est clair que le gouvernement ne modifiera pas sa politique pénitentiaire », redisait pourtant vendredi Inigo Mendez de Vigo, porte-parole du gouvernement espagnol.

L’Union européenne s’est félicitée vendredi de la décision d’ETA de mettre fin à toutes ses activités et de s’autodissoudre, en soulignant qu’il n’y a « pas de place dans l’UE pour le terrorisme, les armes et les fusils ».