Le périmètre du projet de nouvel accueil du « Grand site tour Eiffel » englobe le Trocadéro, le quai Branly, l’Ecole militaire et Bir-Hakeim. / Autodesk

Encombrés par les travaux de sécurisation du site – l’édification d’une clôture de verre pare-balles –, les abords de la tour Eiffel sont bien peu avenants en ce printemps. Avant même d’atteindre l’interminable file d’attente pour accéder aux ascenseurs, les visiteurs doivent déambuler entre les multiples palissades de chantier qui entourent les quatre pieds de la « dame de fer ». Et la circulation dans les rues alentours est plus que jamais congestionnée. On a du mal à imaginer qu’à la veille des Jeux olympiques, la tour brillera de ses meilleurs atours, dans un environnement agréable et apaisé.

C’est pourtant l’ambition de la Ville de Paris, qui en janvier lançait le projet « Grand site tour Eiffel : découvrir, approcher, visiter ». Vendredi 4 mai, les adjoints à la maire de Paris Jean-Louis Missika (urbanisme) et Jean-François Martins (tourisme) ont dévoilé les quatre équipes finalistes, sélectionnées pour dessiner ce projet de nouvel accueil.

Cela fait des années que la Ville et la Société d’exploitation de la tour Eiffel (SETE) réfléchissent à la façon de mieux accueillir les touristes qui viennent découvrir cet emblème de Paris et de la France. Mais cette fois, il ne s’agit pas de limiter la réflexion aux quatre piliers de la tour. Les équipes devront voir grand et élargir leur réflexion à ses alentours, à l’ensemble du périmètre entre le Trocadéro et l’Ecole militaire, le Musée du quai Branly et Bir-Hakeim.

La Ville n’attend pas une prouesse architecturale, à l’instar de la Pyramide du Louvre. « La prouesse architecturale est déjà là. Il ne s’agit pas de réinventer la tour Eiffel mais de la magnifier en la connectant avec son environnement, relève Jean-Louis Missika. Des études ont montré que la visite du monument ne se limite pas à sa dimension verticale, mais commence dès que le monument est aperçu, vu. » De fait, à la haute saison, quelque 120 000 personnes par jour disent venir visiter la tour Eiffel, or seules 20 000 à 30 000 y montent. La plupart se contentent ainsi de se balader en dessous, autour et de faire une photo souvenir.

Equipes internationales et pluridisciplinaires

Sur les quatre équipes retenues, deux sont pilotées par des architectes, l’agence britannique AL_A Amanda Levete Architects et la parisienne KOZ Architectes ; et deux par des paysagistes, l’agence londonienne Gustafson Porter + Bowman et la française TER. Mais toutes se sont attachées des compétences pluridisciplinaires et internationales. Les paysagistes de TER se sont entre autres associés à l’architecte-ingénieur italien Carlo Ratti, et ceux de Gustafson aux urbanistes de l’agence Sathy du Franco-Coréen Tae-hoon Yoon. L’agence britannique AL_A s’est elle attachée les compétences de deux architectes en chef des Monuments historiques français. Et KOZ est allée chercher le japonais Junya Ishigami, réputé pour son architecture épurée et respectueuse des sites.

« Au-delà de l’envergure internationale, ce qui a retenu notre attention, c’est l’approche fine de l’insertion paysagère et urbaine dont ces équipes ont pu témoigner à travers les références qu’elles ont mises en avant, c’est-à-dire la capacité à s’adapter à un environnement complexe, à en comprendre les usages tout en respectant le cadre patrimonial », souligne Jean François Mangin, chef du projet « Grand site tour Eiffel » à la Ville de Paris.

Nouvelles promenades

Les équipes devront bien sûr repenser l’accueil des visiteurs sur le parvis et jusqu’au pied de la tour, la gestion des files d’attentes afin de les rendre plus simples et le plus fluide possible tout en déployant services et commodités, points de repos, protection contre les intempéries… Mais au-delà, il s’agit de faire émerger, depuis tous les points d’accès, de nouvelles promenades parsemées de points d’accueils et d’information, d’aires de détente, de loisirs, de restaurations légères… Espaces boisés classés, le Champ-de-Mars et les jardins du Trocadéro ne sont pas constructibles, mais l’idée est de redonner vie – avec l’aval des Architectes des bâtiments de France – aux différents petits pavillons des années 30, aujourd’hui à l’abandon, qui jalonnent ces espaces, avec des petits commerces, des activités, éphémères, réversibles au gré des saisons…

« L’objectif est de singulariser la visite touristique, en captant l’attention de la personne dès qu’elle manifeste un intérêt pour la tour Eiffel sur Internet, et en proposant une offre permettant de redécouvrir toute la richesse historique et patrimoniale de ce grand site », souligne Jean-François Mangin.

Ces promenades se sauraient évidemment se concevoir sans rééquilibrage de l’espace au profit des piétons. Il s’agira aussi de repenser les flux et le trafic aux carrefours situés des deux côtés du pont d’Iéna, aujourd’hui tout dévolus à l’automobile, pour y accorder une vraie place aux piétons et mobilités douces. Voire, souffle un élu, d’imaginer une autre utilisation que la circulation automobile du tunnel situé sous le quai Branly à hauteur du pont. Certains vont jusqu’à rêver de voir émerger le plus grand des parcs parisiens, avec un pied de chaque côté de la Seine.

A tout le moins, « ce projet a pour dessein de redonner vie, une cohérence, une unité à ce site, aujourd’hui composé d’un haut lieu, la tour, et de non-lieux autour. Et cet ensemble ne doit pas avoir qu’une fonction contemplative : il s’agit aussi d’y faire revenir les Parisiens », relève Jean-François Martins, adjoint au tourisme. Pour la Ville, qui a prévu un budget de 40 millions hors taxe pour les travaux de ce réaménagement, un indicateur de réussite du projet ne serait pas tant l’accroissement du nombre de touristes venant voir la tour Eiffel, ce qui ne serait qu’un effet induit, mais la venue de Parisiens et d’habitants du Grand Paris.

L’équipe lauréate sera désignée en mai 2019 et le chantier devra être terminé à temps pour les Jeux olympiques de 2024.