Déplorer et « attendre que cela passe » : cette formule d’un cadre de KLM résume le sentiment au siège de la compagnie nationale aérienne, après le onzième jour de grève cher Air France, la grande alliée, celle qui avait lancé une OPA amicale sur la compagnie néerlandaise en 2004. « Et pendant ce temps, nous venons, nous, de conclure une nouvelle convention de travail avec 2 800 pilotes ! », ironise un autre. Il ajoute : « Le salaire annuel moyen d’un pilote néerlandais est de 175 000 euros, pour 201 000 à un Français, qui se croise peut-être les bras… »

En 2014, le conflit social déclenché en France avait entraîné le départ du PDG, Camiel Eurlings accusé – entre autres raisons – de ne pas condamner fermement le mouvement des pilotes d’Air France. Des commentateurs décrivaient alors celle-ci comme « un boulet » à la cheville d’une KLM qui n’avait connu qu’une seule année de pertes dans son histoire.

En 2016, à l’occasion de nouvelles grèves en France des voix se faisaient entendre pour appeler les pouvoirs publics à racheter les parts de KLM. Aujourd’hui, la résignation paraît dominer à Amsterdam. « La grève du personnel d’Air France a déjà coûté quelque 300 millions d’euros, KLM subit aussi des dommages mais ne peut rien faire », écrit le magazine Elsevier dans sa dernière édition. L’hebdomadaire aligne les chiffres : la marge bénéficiaire est de 8,9 % chez KLM, 13,5 % chez Lufthansa, 3,7 % chez Air France.

Pieter Elbers, le président exécutif de KLM, se montre, lui, assez discret mais défend un accord qui a créé le quatrième transporteur mondial et garantit à sa compagnie la « masse critique », gage de la survie dans le secteur aérien. L’alliance avec Air France – le terme « fusion » a toujours été banni des discours officiels aux Pays-Bas – a sans doute engendré, à différents moments, un sentiment hostile mais les Néerlandais savent aussi analyser ses bienfaits. Après les trois premières années d’un processus mené en douceur – avec prise en compte des susceptibilités mutuelles et des différences culturelles entre les partenaires – le chiffre d’affaires avait bondi de 30 % et les bénéfices avaient triplé.

Un syndicaliste invite dès lors ses « amis français » à « se réveiller » : « S’ils ne visaient qu’à obtenir le départ du PDG, ils ne résoudront rien : il faudra lui trouver un successeur, définir une nouvelle stratégie… et le tout ne bénéficiera qu’à nos concurrents. »