Chaumont a été sacré champion de France de volley en 2017.

Terre de champs de bataille, de champagne et de villégiature de la famille De Gaulle, avec le célèbre Colombey-les-Deux-Eglises, la Haute-Marne est désormais l’épicentre du volley français. Ce tour de force est dû au Chaumont Volley 52, champion de France en titre, qui tente samedi à Paris de le rester en finale de la Ligue A.

Les volleyeurs chaumontois vont affronter des habitués, les Tourangeaux, six fois champions de France entre 2004 et 2015. « L’an passé, c’était un peu la surprise. On ne savait pas jusqu’où l’on pouvait aller. Cette année, c’est la confirmation, même si cela n’a pas été simple », juge Stephen Boyer, international français et meilleur joueur de l’équipe.

Ville préfecture, Chaumont compte 22 000 habitants, et se trouve relativement isolée : à 100 km à l’est de Troyes, à 100 km au nord de Dijon ou à 215 km au sud de Reims. Département rural et vallonné, la Haute-Marne ne compte que 189 000 habitants, soit le 92e rang sur 102 au classement national par la population.

Préfecture de 22 000 habitants

L’exploit réalisé l’an passé par Chaumont (finale remportée face à Toulouse) est donc à rapprocher de ceux réalisés par Auxerre en 1995, champion de France de football malgré ses 35 000 habitants, ou de Chalon-sur-Saône, 45 000 habitants et champion de France de basket 2017. En volley, les titres étaient squattés depuis de longues années par Tours, Cannes ou des clubs parisiens.

« Pour faire une bonne équipe, il n’est pas nécessaire d’avoir 1 million d’habitants. Il faut seulement douze joueurs, une salle, des ballons et un staff », lance, pragmatique, Silvano Prandi, entraîneur italien de Chaumont depuis 2015. L’homme de 70 ans possède un palmarès impressionnant, entre autres nanti d’un titre de champion d’Europe avec Turin en 1980 et d’une médaille de bronze olympique avec l’Italie en 1984.

Sa longue expérience – il entraîne depuis 1976 – n’est pas étrangère au succès récent de Chaumont. Cette saison, le club haut-marnais a écarté le Dynamo Moscou pour se hisser parmi les douze meilleures équipes européennes, éliminé alors par les Italiens de Trentino. « Oui, on évolue dans un environnement moins riche car nous avons moins de spectateurs, de retombées télévisuelles, de budget mais quand on joue, sur le terrain, l’argent n’entre pas en compte. La qualité de jeu ne dépend pas des salaires versés aux joueurs. Cela dépend de la qualité du travail réalisé par le club », explique-t-il.

Créé en 1963 sous le nom d’ASPTT Chaumont (affilié à La Poste), le club chaumontais a adopté sa structure actuelle en 1996. Avant d’atteindre l’élite en 2012, il avait passé de longues années en deuxième division (Pro B puis Ligue B). A Chaumont, aucun club n’avait connu jusqu’alors la première division. Les footballeurs de la ville avaient fréquenté la deuxième division dans les années 70 et 80, du temps où celle-ci brassait large avec deux, voire trois groupes. « Le club est pro depuis vingt-deux ans. A mon arrivée, j’avais avec mon associé prévu un business plan qui tablait sur une montée en trois ans. Nous y sommes parvenus. On a grandi au fur et à mesure des résultats, passant d’un budget de 600 000 euros à 1,6 million d’euros », se félicite le président, Bruno Soirfeck.

Le public chaumontais est l’un des plus fervents de France.

Il n’y avait pas de véritable culture de volley avant cette folle ascension, qui représente une vitrine unique pour une ville n’ayant pas l’habitude de faire l’actualité. « Si un club de handball avait réussi, cela aurait été pareil. Il y a bien entendu une base de connaisseurs du volley, qui suivent le club depuis les débuts, mais beaucoup sont venus en curieux. C’est un sport sympa et spectaculaire. Le club est familial et accessible. Tu peux boire un verre en ville avec les joueurs », raconte Rémi Dupuy, président de la Jeunesse chaumontaise (« 35 adhérents, 60 sympathisants »), l’un des deux groupes de supporteurs du club.

Nouvelle salle prévue en 2020

Au début de chaque saison, le président Soirfeck avertit gentiment ses joueurs : « Je leur fais part du contexte local. Ils vont avoir une notoriété de petites stars, avec des sollicitations. À Chaumont, on sait en permanence ce que vous faites. » En contrepartie, l’engouement autour de l’équipe est fort. La semaine dernière, une centaine de supporteurs sont montés à Paris pour suivre la demi-finale. Le pointu Stephen Boyer confirme : « On a un public énorme. Il y a une communion spéciale avec les supporteurs. »

D’ailleurs, la salle Jean-Masson, qui peut contenir 900 spectateurs, est devenue trop exiguë. Jouant à guichets fermés, le club est obligé de refuser du monde. Cette saison, le club a également dû se délocaliser à Reims pour joueur ses matchs de Ligue des champions. Une nouvelle salle verra le jour en 2020, d’une capacité de 2 000 à 2 500 places. Les travaux débuteront normalement à la rentrée.

Comme à chaque intersaison, un autre chantier, sportif celui-là, devra être mené. Chaumont attise les convoitises. « La saison dernière, on a perdu huit joueurs. Lors du prochain championnat, ça sera dix. Les clubs étrangers savent qu’ils peuvent recruter ici des joueurs de qualité à moindre coût », confie Silvano Prandi. Il sera compliqué de conserver Stephen Boyer, ainsi que la majorité des dix internationaux qui composent l’effectif de treize joueurs. « Il va falloir reconstruire davantage encore, reconnaît Bruno Soirfeck, qui termine cependant sur une note d’optimisme : même si Chaumont n’est pas au bord de la mer, les agents n’hésitent plus à nous confier des joueurs. Notre travail est reconnu. Le volley permet de situer Chaumont sur la carte. »