Reed Hastings, fondateur et patron de Netflix, a de nouveau clairement défini le champ d’action de sa plateforme, jeudi 3 mai, lors de la journée « Dialogues Transatlantiques de Lille » organisée dans le cadre du festival Séries Mania.

Lors de cette journée qui réunissait les principaux acteurs de l’audiovisuel, dont les PDG de France Télévisions, de TF1 et d’Orange, Reed Hastings a indiqué qu’en 2018, Netflix dépenserait un milliard d’euros dans la création originale européenne, et plus encore en 2019, en fonction de l’augmentation des souscriptions à la plateforme. Deux séries européennes, The End of the F****** World et La Casa de papel, ont d’ailleurs figuré parmi les shows les plus populaires au niveau mondial, ce dernier trimestre, équivalant le visionnage des blockbusters de la plate-forme.

Comprendre les cultures

Se voulant résolument œcuménique, Reed Hasting estime que Netflix, en investissant un peu partout et en diffusant ces productions nationales à l’ensemble du monde, participe à un approfondissement global de la connaissance des uns et des autres et à une meilleure compréhension entre les cultures. Tout en ajoutant que c’est cette audience globale qui permet à Netflix d’investir et de créer de grandes productions dans des pays qui, seuls, n’en auraient jamais eu les moyens.

Mais Netflix n’est pas seul dans ce domaine, a-t-il insisté : qu’il s’agisse des GAFA ou des circuits traditionnels, tout le monde, aujourd’hui, investit très largement dans la création sérielle. Et il ne s’agit en rien d’une bulle : cela tient tout simplement aux gigantesques et innombrables nouvelles voies qu’offre la révolution Internet, qui permet de découvrir tout ce qui se fait ailleurs, sur différents types de supports, et de la manière que l’on souhaite. « Dans la mesure où tout cela rend les gens plus libres de voir ce qu’ils veulent comme ils veulent, c’est un modèle qui devrait être durable, note-t-il. (…) Peu à peu, les gens souscriront à plusieurs plates-formes ou services audiovisuels, de la même manière qu’ils écoutent une diversité de musiciens et lisent différents types de livres. »

Privé de Croisette

Interrogé sur la polémique entre sa plateforme et le festival de Cannes, Reed Hastings a fait montre de tempérance et de sérénité. Rappelons que l’année dernière, la présentation par Netflix de deux films en compétition officielle à Cannes avait engendré un tollé de la part de la profession, la plateforme ne respectant pas la chronologie des médias française, et un débat sur la place à accorder à une plateforme de vidéo par abonnement. Le nouveau règlement du festival, pour 2018, qui impose que tout film en compétition sorte d’abord au cinéma, et seulement trois ans, ensuite, sur une plateforme de vidéo à la demande, a amené Netflix à refuser de présenter tout film sur la Croisette cette année, dans quelque section que ce soit. « Notre plateforme doit suivre les régulations de chaque pays, a commenté Reed Hastings. Nous sommes vus comme des perturbateurs et parfois nous faisons des erreurs. Concernant le festival de Cannes, nous avons créé une controverse plus importante que nous ne le souhaitions. Nous n’avons pas l’intention de perturber le système cinématographique. Tout ce que nous voulons, c’est rendre nos souscripteurs heureux grâce à nos créations. Nous allons maintenant nous focaliser principalement sur les séries, les docu-séries, le stand-up, les émissions pour enfants, toutes productions qui permettent de faire de la grande qualité, sans que l’on puisse nous percevoir comme perturbant la production cinématographique. »

Rumeurs

Assurant que des acheteurs de sa compagnie seront encore au festival de Cannes cette année, Reed Hastings évoque des discussions de bonne foi, malgré tout : « Le festival veut vraiment trouver un modèle qui fonctionne pour eux et pour nous, et cela va finir par arriver. (…) Il n’y a aucun problème tant que nous traitons nos films comme nos séries, en les rendant disponibles à nos souscripteurs sans tenter d’entrer en compétition avec le système de sortie des films au cinéma. » Ce qui l’a amené à contredire la rumeur selon laquelle Netflix serait sur le point d’acheter une chaîne de cinémas aux Etats-Unis : « Tout le monde veut vendre quelque chose à Netflix, désormais. (…) Ne prenez pas ces rumeurs au sérieux », a-t-il ajouté.

Invité à se projeter dans le futur, Reed Hastings évoque tout d’abord les auteurs, qui vivent actuellement un « âge d’or » et qu’il invite à oser faire des erreurs, sachant qu’il est impossible de prévoir si un show rencontrera ou non le succès. Et d’ajouter, concernant sa plateforme : « Nous voulons des créations qui aillent dans tous les sens possibles, c’est comme ça que l’on découvre des pépites. (…) Le futur, pour nous, c’est devenir le grand producteur mondial travaillant avec différentes cultures pour en divulguer les contenus, plutôt que ce soit Hollywood qui produise pour le reste du monde. » Malin qui saura déconstruire ce projet.

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