Pôle emploi risque de faire les frais de la baisse du chômage. Au cours des trois prochaines années, l’opérateur public pourrait diminuer ses effectifs de plusieurs milliers – Le Journal du dimanche du 6 mai parlant de 4 000 postes en moins. Un recul sans précédent depuis la création du réseau issu du mariage, en 2008, de l’ANPE et des Assedic, au sein duquel travaillent quelque 54 000 personnes, dont les neuf dixièmes ont un statut de droit privé.

« Il n’y a pas de chiffre arrêté à ce jour », fait-on valoir à la direction générale de Pôle emploi. Mais le scénario des 4 000 suppressions de postes circule depuis plusieurs jours en interne. Lors d’une émission sur France Inter, le 27 avril, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, avait d’ailleurs été interrogée par un salarié de l’opérateur sur l’éventualité de coupes d’une telle ampleur. « La trajectoire que vous évoquez n’est pas définitive, on est en train de travailler sur des hypothèses », avait répondu Mme Pénicaud – indiquant ainsi, en creux, que l’ordre de grandeur était plausible. La ministre avait ajouté que « si le taux de chômage baisse (…), il est logique qu’il y ait moins besoin d’accompagnement [assuré par Pôle emploi] ». Dès lors, envisager des économies de personnels au sein de l’institution est considéré comme légitime. D’autant, avait complété Mme Pénicaud, que de « nouvelles organisations » sont mises en place dans les agences et permettent de dégager des gains de productivité.

« Pas de poste en trop »

« Cette question devra être abordée en prenant en compte les nouvelles charges qui pourraient peser sur Pôle emploi », déclare-t-on à la direction générale de l’opérateur. Une allusion à la réforme de l’assurance-chômage, qui prévoit d’accorder une indemnisation à de nouvelles catégories de salariés démissionnaires et aux indépendants. Ce changement est susceptible d’entraîner un accroissement du nombre d’inscrits à Pôle emploi – et donc de donner plus de travail aux agents du service public. Autre paramètre à prendre en compte : le renforcement du contrôle des chômeurs – qui sera effectué, à terme, par 1 000 salariés de l’opérateur (contre un peu plus de 200, aujourd’hui).

« Il n’y a pas de poste en trop à Pôle emploi, plaide Nathalie Potavin, représentante CGT au sein de l’opérateur. Les conseillers sont déjà surchargés, avec un très grand nombre de personnes à suivre. » Sous le sceau de l’anonymat, l’un de ses collègues, membre du SNU, juge « simpliste » de vouloir comprimer les effectifs au motif que le chômage refluerait. Cette tendance ne vaut que pour celles et ceux qui n’ont exercé aucune activité, rappelle Sylvie Szeferowicz (Force ouvrière) : en revanche, les demandeurs d’emploi qui travaillent de façon occasionnelle ou à temps partiel voient leur nombre « exploser », poursuit-elle.

Il est prévu que l’opérateur perde près de 300 postes cette année, en vertu de la loi de finances 2018. Si l’Etat lui en retirait 4 000 pour les trois exercices suivants, une telle coupe reviendrait à effacer les deux vagues d’embauches conduites sous le précédent quinquennat. Dans ce cas de figure, plusieurs questions seraient soulevées : l’effort doit-il porter sur ceux qui accompagnent des chômeurs ? Ceux qui s’occupent de l’indemnisation ? Ou bien alors l’encadrement, à l’échelon central et territorial ? Autre inconnue : la méthode pour serrer les boulons. Environ 1 000 salariés de Pôle emploi devraient prendre leur retraite, chaque année, durant la période à venir – soit un volume inférieur à la cible de 4 000 en trois ans. Du coup, des syndicalistes en sont déjà à redouter la perspective d’un plan de départs volontaires, conclue dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective.