Emmanuel Macron et Mariano Rajoy, à Bruxelles, le 19 octobre 2017. / POOL / REUTERS

La victoire du président français avait été vécue comme un soulagement de l’autre côté des Pyrénées où dominait la crainte d’une victoire de partis politiques eurosceptiques, le Front national ou la France insoumise, dans une moindre mesure. Car les Espagnols, eux, veulent majoritairement plus d’Europe.

Durant sa première année, Emmanuel Macron n’a pas déçu les formations espagnoles qui, du Parti socialiste au Parti populaire (PP) en passant par Ciudadanos, demandent que l’Union européenne se renforce, s’intègre et dispose notamment d’une gouvernance économique commune.

Son discours à la Sorbonne en septembre a été très commenté et ses déplacements sont couverts par une presse espagnole qui semble fascinée. Même les grèves sont perçues dans les éditoriaux comme un signe positif : celui que la France est en train de faire des réformes.

Emmanuel Macron : « Nous avons oublié de défendre l’Europe »
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Le 9 avril, le quotidien El Pais a ainsi publié un éditorial félicitant Macron d’avoir « réussi l’adoption d’une réforme du code du travail qui met à plat les droits des travailleurs. C’est à présent le tour de la SNCF et, bientôt, il réalisera les changements institutionnels qui limiteront les mandats des élus et réduira le nombre de parlementaires. (…) C’est une grande opportunité pour que Macron puisse mener à bien les réformes tant de fois repoussées et dont la France a tant besoin pour l’avenir ».

Podemos se montre très critique

Le chef du gouvernement conservateur, Mariano Rajoy, a compris l’attrait du président français et ne manque pas de faire remarquer sur Twitter, photos à l’appui, les bonnes relations qu’il maintient avec son « collègue et ami ». La visite de Bruno Le Maire début avril pour rencontrer son homologue espagnol, le nouveau ministre de l’économie, Roman Escolano, et proposer à l’Espagne de participer à la rédaction de la feuille de route franco-allemande de réforme de la zone euro, a réconforté le chef de l’exécutif espagnol. M. Rajoy est bien content de trouver un allié à Paris, même s’il est l’allié d’Angela Merkel, au sein du Parti populaire européen.

« En Espagne, Emmanuel Macron est perçu positivement par la droite et par la gauche car il affaiblit le monopole allemand sur l’idée européenne, associé ici aux politiques d’austérité », explique le politologue Fernando Vallespin, qui reconnaît que son charisme politique suscite de « l’admiration et de l’envie en Espagne où, depuis Felipe Gonzalez [président du gouvernement espagnol entre 1982 et 1996], il n’existe pas de leaders de la sorte ».

Sur Twitter, on peut même lire certains s’extasier de sa capacité à prononcer ses discours aux envolées lyriques sans regarder de notes, contrairement à ses homologues espagnols. Seul Podemos se montre très critique avec le président français qui n’est pour eux qu’un nouveau visage du capitalisme. Mais le parti de la gauche radicale n’en est pas moins admiratif de son succès, au point d’avoir copié le nom de son mouvement, pour le grand séminaire de réflexion et consultation des bases avant les prochaines élections : « En Marcha 2019. »

Ciudadanos, le parti libéral qui se présente comme l’équivalent espagnol d’En Marche, compte bien profiter des succès du président français pour convaincre les électeurs espagnols de voter pour son président, Albert Rivera. En tête dans les sondages, il a d’ailleurs annoncé que l’ancien premier ministre français d’origine catalane Manuel Valls, député apparenté LREM, fervent défenseur de l’unité de l’Espagne ultra-médiatique dans le pays, pourrait être son candidat aux élections municipales de Barcelone l’an prochain.

« Charisme » et « culture »

De quoi provoquer des commentaires ironiques sur une possible nouvelle invasion napoléonienne de l’Espagne. « Le Parti socialiste ouvrier espagnol [PSOE] est le plus inquiet de l’effet Macron, responsable de la quasi-disparition du Parti socialiste français, depuis l’annonce de la candidature de Manuel Valls à la mairie de Barcelone, avec Ciudadanos », ajoute M. Vallespin.

Ciudadanos assure être en contact quotidiennement avec les équipes d’En Marche, en vue notamment de préparer les élections européennes de 2019. Mais minimisant le risque que le tremblement de terre En Marche frappe l’Espagne, les élus de droite et de gauche ne manquent pas d’ironiser en privé sur Albert Rivera, dont ils disent qu’il n’a « ni le charisme ni la culture de M. Macron ». Une autre manière indirecte de montrer leur admiration pour le président français.

Celle-ci cependant pourrait retomber si ses objectifs européens ne sont pas respectés, comme l’a laissé entendre l’ancienne ministre espagnole du PP aux affaires étrangères, Ana Palacio, dans une tribune, le 3 mai, dans le quotidien El Pais. Selon elle, « beaucoup se demandent si l’étoile de Macron ne brille pas trop, et n’est donc pas destinée à s’éteindre rapidement ». Saluant « ses appels ambitieux à l’unité européenne et son soutien persistant à la démocratie libérale », elle estime que « Macron démontre qu’il est un soliste exceptionnel, mais l’Europe a aujourd’hui surtout besoin d’un chœur ! »