Sur une plage de l’île Praslin, aux Seychelles, en 2012. / ALBERTO PIZZOLI/AFP

En 2017, le tourisme international a progressé de 7 %, soit « le meilleur résultat jamais atteint depuis sept ans », se félicitait au début de l’année l’Organisation mondiale du tourisme, qui prévoyait pour 2018 une nouvelle hausse de 4 % à 5 %. Mais l’institution onusienne ne disait rien du revers de ces déplacements en masse : leur impact environnemental, à commencer par leur contribution au réchauffement planétaire.

Or, une étude de chercheurs australiens, chinois et indonésien, publiée lundi 7 mai dans la revue Nature Climate Change, révèle que « l’empreinte carbone » du tourisme mondial est considérable. Selon leurs calculs, cette activité est responsable d’environ 8 % du total des émissions de gaz à effet de serre de l’humanité. Un pourcentage trois fois supérieur aux évaluations antérieures, qui se situaient dans une fourchette de 2,5 % à 3 %.

Pour parvenir à ce résultat, Manfred Lenzen (Université de Sidney en Australie) et ses collègues ont compilé les données sur les flux touristiques entre 160 pays, sur la période 2009-2013. L’originalité de leur approche est d’avoir comptabilisé non seulement les émissions directement associées aux transports (comme la combustion du kérosène des avions et de l’essence ou du diesel des voitures), mais aussi celles liées aux biens et aux services consommés par les voyageurs, qu’il s’agisse de restauration, d’hôtellerie ou d’achats divers.

En additionnant tous ces postes, les chercheurs estiment que les émissions mondiales imputables au secteur touristique sont passées de 3,9 milliards de tonnes équivalent CO2, en 2009, à 4,5 milliards de tonnes, en 2013. Il faut toutefois préciser que ces chiffres incluent les déplacements professionnels, qui ne sont pas distingués des autres dans cette étude.

Contrepartie aux retombées économiques

Plus que les voyages internationaux, ce sont les trajets et les séjours domestiques qui sont la source de la plus grande partie des rejets carbonés. Sans surprise, les Américains pèsent le plus fortement sur ce bilan, puisqu’ils sont à l’origine d’environ un quart des « émissions touristiques ». Ils sont suivis des Chinois, dont les classes émergentes sont de plus en plus voyageuses. Arrivent ensuite, dans le « top 10 » des pays émetteurs, l’Allemagne, l’Inde, le Mexique, le Brésil, le Canada, le Japon, la Russie et le Royaume-Uni.

Les auteurs attirent l’attention sur la situation des Etats insulaires, comme les Maldives, les Seychelles, la République de Maurice ou la République de Chypre, qui constituent des destinations exotiques très prisées des vacanciers et où le tourisme de masse génère « de 30 % à 80 % » des émissions nationales de CO2. Une contrepartie chèrement payée aux retombées économiques de l’afflux de visiteurs.

Jusqu’à présent, soulignent les chercheurs, les efforts de réduction de l’empreinte carbone du secteur touristique n’ont pas suffi à inverser la courbe. Le transport aérien est en première ligne. Certes, en octobre 2016, les 192 pays membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale se sont engagés à plafonner les émissions de cette activité – non couverte par l’accord de Paris sur le climat – à leur niveau de 2020, jusqu’en 2035. Mais à moyen terme, la croissance continue du tourisme mondial, poussée par l’élévation du niveau de vie des pays émergents, laisse présager une aggravation de son impact environnemental.

« Nous prévoyons que le tourisme va constituer une part croissante des émissions de gaz à effet de serre », préviennent les auteurs. Pour inciter les candidats au dépaysement à voyager moins, ou moins loin, la seule solution sera peut-être, suggèrent-ils, de mettre en place une taxation du carbone renchérissant le coût des déplacements. De quoi refroidir les touristes, pour ne pas réchauffer davantage le climat.