Des paquets de café Starbucks en vente dans un coffee shop de la chaîne à New York, le 4 mai 2018. / MIKE SEGAR / REUTERS

Le marché du café reste bouillant. Une nouvelle démonstration vient d’en être donnée par l’accord conclu, lundi 6 mai, entre le suisse Nestlé et l’américain Starbucks. Le groupe de Vevey exploitera la célèbre marque dans les supermarchés et la restauration. Pour nouer cette alliance stratégique, Nestlé n’a pas hésité à débourser 7,15 milliards de dollars (près de 6 milliards d’euros) pour une activité dont le chiffre d’affaires est de 2 milliards de dollars. Starbucks conserve en revanche tous les droits de sa marque dans les cafés à son enseigne.

C’est la plus grosse opération conclue par Ulf Mark Schneider, depuis son arrivée à la tête de Nestlé, signe de l’importance du marché du café pour le premier groupe agroalimentaire mondial. Le nouveau patron avait d’ailleurs cité, en septembre 2017, lors de sa présentation stratégique aux investisseurs, le café mais aussi les produits pour animaux de compagnie, la nutrition infantile et les eaux minérales comme prioritaires dans le secteur agroalimentaire. Les produits de santé grand public étant, eux, considérés comme une plate-forme de croissance additionnelle.

Un nouvel adversaire

Sur le marché du petit noir, Nestlé, leadeur mondial avec ses marques Nescafé, Nespresso et Dolce Gusto, a vu apparaître un nouvel adversaire aux dents longues. JAB, fonds d’investissement de la famille allemande Reimann, a lancé son offensive dans l’agroalimentaire en 2012, en jetant d’abord son dévolu sur les deux chaînes américaines Peet’s Coffee & Tea et Caribou Coffee, avant de reprendre le producteur de café néerlandais D.E. Masters Blenders 1753. Elle a ensuite fusionné ce dernier avec l’activité café de l’américain Mondelez. A la clé, la naissance d’un géant, Jacobs Douwe Egberts (JDE). JAB s’est emparé dans la foulée de Keurig, le rival américain de Nespresso, et a fait des emplettes en Asie. Le fonds a aussi mis la main sur la chaîne de cafés-boulangeries américaine Panera Bread. Et les investisseurs murmuraient qu’il avait Starbucks en ligne de mire…

Après un investissement de près de 30 milliards de dollars, la famille Reimann possède avec JDE le deuxième acteur mondial du café. Selon les données publiées par l’institut d’études Euromonitor, il détient désormais 9,6 % du marché en valeur. Nestlé reste dominant avec 22,6 % de part de marché. En troisième position, se trouve l’italien Lavazza à 2,5 % au coude-à-coude avec Starbucks (2,5 %).

Une faiblessse aux Etats-Unis

« Nestlé est de loin la plus grande société de boissons chaudes, avec des ventes supérieures à celles combinées de ses cinq concurrents les plus proches. Néanmoins, sa position de leadeur est moins sécurisée qu’elle ne l’a été. JAB a assemblé un acteur de poids sur le marché du café ces dernières années et a considérablement réduit l’écart avec Nestlé », affirme Matthew Barry, analyste d’Euromonitor.

Nestlé souffrait de plus d’une faiblesse aux Etats-Unis. Selon Euromonitor, le groupe suisse, qui a du mal à dupliquer outre-Atlantique le succès européen de Nespresso, ne s’y classe qu’en cinquième position, avec une part de marché de 4,7 %, alors que Starbucks le domine avec 13,7 %. Nestlé avait fait un premier pas en s’offrant, en 2017, Blue Bottle Coffee, une chaîne de café plébiscité par les hipsters. En signant l’alliance avec Starbucks et en reprenant 500 de ses salariés, il renforce son ancrage américain.

L’aiguillon du fonds activiste Third Point

La prise en main de la marque Starbucks illustre aussi la volonté exprimée par M. Schneider d’être à l’avant-garde des tendances et de mieux répondre aux attentes des consommateurs soucieux d’une alimentation plus saine. Il a pris une participation dans Freshly, une société de livraison de repas préparés, a acheté Sweet Earth, un fabricant de produits pour les végétariens, et s’est offert le canadien Atrium Innovations, spécialisé dans les compléments alimentaires. En parallèle, le patron allemand a continué à faire le ménage dans le portefeuille de Nestlé. Il a ainsi cédé son activité confiserie aux Etats-Unis à l’italien Ferrero et a mis en vente sa filiale d’assurances Gerber Life Insurance.

Des décisions prises alors que le fonds activiste Third Point aiguillonne Nestlé depuis son entrée au capital à l’été 2017, en demandant la cession de la participation dans L’Oréal et d’actifs non stratégiques, des acquisitions, et un programme de rachat d’actions. Avec un objectif : accroître les marges et la valorisation boursière de l’entreprise. Alors qu’en 2017, Nestlé a affiché la plus faible croissance de son histoire à 2,4 %, M. Schneider a fixé un objectif de marge opérationnelle compris entre 17,5 % et 18,5 % en 2020.