Les Polynésiens ont préféré dimanche 6 mai (lundi à Paris) la liste conduite par le président sortant Edouard Fritch (49,18 %) aux deux partis historiques locaux, le Tahoeraa (27,72 %) de Gaston Flosse et le Tavini d’Oscar Temaru (23,11 %), au second tour des élections territoriales, en Polynésie française. Avec une majorité solide de 38 sièges sur 57 à l’assemblée locale, Edouard Fritch devrait être confortablement réélu président de la Polynésie française le 18 mai. Il peut espérer gouverner pendant une mandature entière de cinq ans, ce qui n’est plus arrivé en Polynésie depuis 2004. Après neuf années d’instabilité politique et de renversements de gouvernements, Gaston Flosse avait repris le pouvoir en 2013… mais son inéligibilité l’avait contraint à laisser la présidence à son dauphin Edouard Fritch. Depuis, les deux hommes se livrent un combat sans merci.

Gaston Flosse aura tout tenté pour revenir au pouvoir. Cofondateur du RPR et chiraquien de toujours, il a soutenu Marine Le Pen à la présidentielle de 2017, pour compter ses voix un an avant les territoriales. Lâché par de nombreux cadres partis aux côtés d’Edouard Fritch, il a attiré des figures de la société civile : Angélo Frébault, secrétaire général du premier syndicat local, ou James Heaux, présentateur-vedette du journal télévisé de Polynésie Première. Elus ce dimanche, ils siègeront dans l’opposition à l’assemblée.

Chantre de l’autonomie, c’est-à-dire du maintien de la Polynésie au sein de la République française, Gaston Flosse a tenté une alliance avec les indépendantistes entre les deux tours des territoriales. Oscar Temaru, échaudé par une alliance de courte durée en 2007-2008, a refusé. Gaston Flosse a conservé une base militante très démonstrative, toujours vêtue d’orange et brandissant les drapeaux de son parti. Mais il n’a pas séduit de nouveaux électeurs. La faute, selon lui, au « clientélisme » d’Edouard Fritch.

« Magouilles et tricheries »

Gaston Flosse a retourné sur son ancien dauphin les critiques qu’on lui formulait du temps de sa splendeur : des distributions de subventions sur fonds publics, et même de nourriture, avant chaque élection. « Il y a eu tellement de magouilles, tellement de tricheries dans cette élection que je ne peux pas le féliciter », s’est indigné Gaston Flosse après les résultats, sur la chaîne TNTV. Des recours en annulation ont été déposés. Le parti d’Edouard Fritch conteste ces accusations.

Le président sortant a d’abord séduit par son bilan, marqué par une légère reprise économique en fin de mandat. Il mise sur la relance de l’emploi par de grands projets touristiques ou aquacole. Mais il a aussi annoncé des réformes impopulaires. Celle de la Protection sociale généralisée prévoit notamment un report de l’âge de départ à la retraite. Dix mille Polynésiens s’y sont opposés en défilant à Papeete, six semaines avant les élections : Edouard Fritch a suspendu cette réforme, mais a annoncé qu’elle constituerait une priorité s’il gagnait. « Vous avez choisi le réalisme et non la démagogie, l’autonomie et non l’indépendance, le développement et non l’assistanat », a déclaré le vainqueur devant ses militants.

En votant pour Edouard Fritch, les Polynésiens ont aussi voté contre les leaders politiques des quatre dernières décennies : Gaston Flosse et Oscar Temaru. Inéligible, Gaston Flosse n’était pas candidat et avait choisi son bras droit pour le représenter. Mais il dominait sur les affiches de sa liste et la représentait sur les plateaux télévisés. Quant à Oscar Temaru, même s’il est souvent représenté par son gendre, le député Moetai Brotherson, il est aussi le chef incontesté de son parti.

Attachement à l’autonomie

Oscar Temaru peine à faire progresser les idées indépendantistes dans l’électorat polynésien. Lui qui rêve d’une décolonisation progressive sous l’égide des Nations-Unies, suivie d’un référendum d’autodétermination, se heurte à la fois au refus de la France et des autonomistes polynésiens, qui sont majoritaires. Sa campagne dénonçant les condamnations de ses adversaires autonomistes n’y aura rien changé : il n’atteint pas le quart des suffrages exprimés face à deux adversaires autonomistes, donc partisans du maintien de la Polynésie dans la République française.

Les Polynésiens ont donc réaffirmé leur attachement à l’autonomie, même si le Tavini souligne que ce scrutin « n’a pas valeur de référendum ». Dans le même océan, une autre collectivité française, la Nouvelle-Calédonie, choisira son avenir par référendum, entre autonomie et indépendance, le 4 novembre. Le chef de l’Etat s’y est rendu cette semaine, mais il n’est pas encore venu en Polynésie française.