Emmanuel Macron, Donald Trump et Theresa May, le 26 mai 2017, lors du G7 à Taormine (Sicile). / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Même les images de voitures en feu lors de la manifestation du 1er-Mai à Paris, même les échos de Mai 68 dans les protestations antisélection des étudiants français laissent les médias britanniques de marbre. Ils n’ont d’yeux que pour l’hôte de l’Elysée. Un an après l’élection d’Emmanuel Macron, la force de séduction du président français, son audace à damer le pion aux Britanniques dans sa relation avec Donald Trump et, pour les tabloïds, la « glamorous » Brigitte, continuent de nourrir la chronique d’une France en pleine renaissance au moment où les incertitudes du Brexit plombent l’ambiance au Royaume-Uni.

Il faut le sérieux et macronphile Financial Times pour se demander, en couverture de son magazine de fin de semaine, si « un homme peut vraiment changer la France ». Après avoir décrit « la présidence la plus centralisée et la plus technocratique que la France ait connue depuis 1945 » sous la houlette du « leadeur français le plus jeune depuis Napoléon », le journal pro-européen et libéral balance entre admiration et inquiétude. « Les ouvriers, qui ont largement voté pour Le Pen, ne sont pas attirés vers Macron. La colère est encore là, remarque-t-il. Il reste [à M. Macron] à démontrer sa capacité à tirer les classes populaires hors de l’influence des extrêmes. »

Si les grèves qui secouent la France intéressent peu les Britanniques (sauf quand elles perturbent leurs déplacements sur le continent), le succès américain d’Emmanuel Macron et sa capacité à profiter du retrait britannique lié au Brexit les laissent pantois. « M. Macron, un mondialiste de gauche issu d’un pays d’intellectuels snobs, s’est positionné au plus près d’un président qui défend “l’Amérique d’abord” », s’est étranglé le Telegraph, quotidien conservateur et europhobe, lors de la récente visite aux Etats-Unis du président français.

Fini la « special relationship » du Royaume-Uni avec Washington, place à la « relation spéciale » (en français dans le texte) entre MM. Macron et Trump, a éditorialisé le même journal. « La visite d’Etat de M. Macron [à Washington] est un coup d’autant plus extraordinaire, a-t-il noté, qu’il a lieu dans le contexte du Brexit que M. Trump considérait comme annonciateur de sa propre élection. » Le Times, conservateur lui aussi mais plus ouvert à l’Europe, a qualifié l’épisode américain de « succès sans mélange pour le prestige français et le propre statut [de M. Macron] de nouveau visage de l’Europe ».

Un « trophée en matière de flatterie »

L’annonce, tant attendue par Theresa May, de la visite de travail que le président américain doit effectuer, le 13 juillet, au Royaume-Uni, n’a procuré qu’une relative consolation. « Macron est devenu le principal homme d’Etat européen doté d’une vision mondiale et d’une politique étrangère active, estime Peter Ricketts, ancien chef du Foreign office et ancien ambassadeur en France. Pendant que le Brexit consomme toute l’énergie politique à Londres, la Grande-Bretagne contribue peu au règlement des crises actuelles. Cela ne peut que diminuer notre influence dans le monde et à Washington. »

Plusieurs journaux britanniques décernent à M. Macron un « trophée en matière de flatterie » à l’égard de Donald Trump et remarquent que le président français n’a probablement pas fait fléchir ce dernier sur l’Iran ou le climat. Mais le Times crédite le chef de l’Etat d’avoir « rappelé au monde qu’un désaccord constructif avec M. Trump n’est pas impossible ». Et The Observer, hebdomadaire de gauche, estime que M. Macron « mérite des éloges » pour avoir défendu le multilatéralisme et « la vision française d’un ordre mondial progressiste, démocratique, fondé sur la coopération et sur le droit ».

Certes, le « faux pas » linguistique du président français qui, le 2 mai, à Sydney, a remercié en anglais le président australien et sa « délicieuse femme » pour leur accueil en utilisant le mot « delicious » réservé en anglais à la nourriture, a fait ricaner bien des commentateurs britanniques. Mais les plus honnêtes ont reconnu que bien peu de responsables britanniques étaient capables de prononcer le moindre discours, même de remerciement, dans une langue étrangère.