C’est un record pour une entreprise nippone. Le laboratoire pharmaceutique Takeda a annoncé mardi 8 mai l’acquisition de l’irlandais Shire pour 46 milliards de livres (52 milliards d’euros). Si cette opération aboutit, le japonais fera son entrée dans le top 10 mondial avec un chiffre d’affaires de l’ordre de 28 milliards de dollars, contre 13 milliards de dollars aujourd’hui. Il mettra surtout la main sur des médicaments très prometteurs dans le domaine des maladies rares, comme l’hémophilie, dans lesquels Shire a beaucoup investi.

Longtemps délaissé, ce marché fait désormais figure d’eldorado pour les industriels dont la recherche patine : les ventes de médicaments orphelins devraient atteindre 209 milliards en 2022 contre 123 milliards en 2017, selon Evaluate Pharma, avec un taux de croissance annuelle supérieur à 11 %, contre 6 % pour les médicaments classiques.

Pour soigner quelques milliers de patients seulement, le prix de ces molécules dépasse souvent 100 000 dollars par an, le record étant détenu par le Soliris d’Alexion qui avoisine 500 000 dollars. Sur ce créneau, Shire occupe la première place du podium : ses ventes de médicaments orphelins, qui lui rapportent déjà plus de 5 milliards de dollars, devraient atteindre 8 milliards en 2022.

Mariage de la carpe et du lapin

Takeda est dirigé depuis 2015 par le Français Christophe Weber, premier étranger à la tête de ce laboratoire bicentenaire. À son arrivée, il savait qu’il aurait à affronter ce que redoutent tous les laboratoires : la chute dans le domaine public des principaux brevets. Shire, lui apporte un portefeuille de molécules en situation de monopole pour plusieurs années, et de programmes de recherche bien avancés.

Face aux craintes d’un mariage de la carpe et du lapin, compte tenu des cultures différentes des deux groupes, Takeda insiste par avance sur le fait qu’il a « de solides antécédents de fusions transfrontalières réussies et d’intégration post-acquisition », citant l’exemple du suisse Nycomed, pour lequel il avait signé un chèque de 9,6 milliards d’euros en 2011, et de l’Américain Ariad, acheté pour un peu moins de 5 milliards d’euros en 2017.

Le laboratoire a longtemps été orienté vers le marché japonais. L’Amérique du Nord, premier marché mondial pour les médicaments, ne représente que 30 % de ses ventes. Shire, est au contraire très bien positionné outre-Atlantique : il y réalise deux tiers de son chiffre d’affaires, avec un siège près de Boston dans le Massachusetts, « the place to be » pour les biotechs comme pour les géants de la pharmacie.

Cette opération audacieuse sera financée en partie par un prêt de 31 milliards de dollars. L’offre ferme sur Shire, qui doit encore être validée des deux côtés par les actionnaires, est censée clore une saga de plusieurs semaines qui a vu Shire refuser publiquement plusieurs propositions, les jugeant insuffisantes au regard de ses perspectives de croissance et de son portefeuille de médicaments en développement.