Cate Blanchett, actrice engagée pour la cause féminine
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« Une présidente engagée, une femme passionnée et une spectatrice généreuse », énuméraient Pierre Lescure et Thierry Frémaux, respectivement président et délégué général du Festival de Cannes, pour décrire Cate Blanchett. A 48 ans, l’actrice australienne s’apprête, mardi 8 mai, à présider le jury de la 71e édition du Festival, devenant la douzième femme à occuper cette fonction. Un choix symbolique interprété comme une volonté de soutenir le combat contre le harcèlement sexuel dans la profession, depuis que l’affaire Harvey Weinstein a ébranlé le septième art, et bien au-delà, à l’automne 2017.

Lors de la cérémonie de remise des prix des Instyle Awards en octobre, la toujours très mesurée Cate Blanchett avait fait un plaidoyer remarqué en faveur des femmes « qui se sentent libres de porter ce qu’elles veulent, quand elles le veulent et comme elles le veulent ». Avant de s’adresser aux hommes de la salle : « Nous aimons toutes être sexy, mais cela ne veut pas dire que nous voulons coucher avec vous. » L’actrice, deux fois oscarisée pour ses rôles dans Aviator (2004) de Martin Scorcese et Blue Jasmin (2014) de Woody Allen, a contribué à fonder en janvier 2018 le projet « Time’s up » (c’est fini), avec 300 autres actrices, scénaristes et metteuses en scène américaines. Né des conséquences du mouvement #MeToo, ce fonds alimenté à hauteur de 15 millions d’euros est destiné à fournir une aide juridique et financière aux femmes victimes de harcèlement sexuel qui n’ont pas les moyens de se défendre.

Engagement féministe

Mais Cate Blanchett n’a pas attendu les révélations de l’affaire Weinstein pour dénoncer les inégalités genrées dans l’industrie du cinéma. Quand elle reçoit l’Oscar de la meilleure actrice pour Blue Jasmin, elle s’adresse sur scène « aux gens de l’industrie qui croient encore bêtement que des films avec des femmes en premier rôle sont des films de niche » pour leur dire que « ce n’est pas le cas. Les gens vont voir ces films, ils font de l’argent ». Un peu avant, sur le tapis rouge qui mène au théâtre Dolby où se déroule la prestigieuse cérémonie, elle demande interloquée à une journaliste qui filme sa tenue de haut en bas si les acteurs masculins subissent le même traitement.

Cate Blanchett s’est également exprimée publiquement contre la nudité féminine à l’écran car elle estime subir en tant que femme ce qu’on ne demanderait jamais à un homme. « Dans une situation pareille, je demande au metteur en scène si c’est vraiment nécessaire. Il faut argumenter, batailler, poser des questions, ne pas hésiter à en reposer. J’ai régulièrement été confrontée à des réalisateurs qui m’assuraient qu’il fallait me déshabiller, sans expliciter ce choix. Ah bon ? Vraiment ? Il me semble que j’ai mon mot à dire là-dessus », affirmait-elle au Monde, au cours d’une interview donnée en 2015, à l’occasion de la sortie du film Carol du réalisateur Todd Haynes, où elle y joue aux côtés de Rooney Mara une romance interdite dans l’Amérique des années 1950.

Refus des codes « hollywoodiens »

Des films d’auteurs (The Good German de Steven Soderbergh, La Vie aquatique de Wes Anderson, Babel d’Alejandro Inarritu) aux superproductions américaines (Le Seigneur des anneaux, Thor), elle refuse les codes féminins traditionnels, et va même jusqu’à camper un Bob Dylan androgyne dans I’m Not There de Todd Haynes, rôle pour lequel elle a reçu en 2007 le prix d’interprétation de la Mostra de Venise. « Ça ne m’étonnerait pas qu’elle joue un jour Mike Tyson », s’en est amusé le réalisateur allemand Julian Rosefeldt, dont le long-métrage Manifesto, sorti en 2017, la met en scène seule au travers d’une dizaine de personnages différents, du punk tatoué au clochard.

Malgré une soixantaine de rôles à son actif, dont la plupart filmés aux Etats-Unis, gare à celui qui la qualifie « d’actrice hollywoodienne ». « C’est ce que l’on dit de vous quand on veut vous insulter », se justifie-elle auprès du New York Times en 2015. Celle qui a été directrice artistique de la Sydney Theatre Company de 2009 à 2013, en binôme avec son mari Andrew Upton, se rêve plus aisément au théâtre. « Au cinéma, je ne sens pas les choses, impossible d’entendre le souffle du spectateur, je m’en suis lassée », déclarait-elle encore au Monde en 2015.

Victime d’Harvey Weinstein

Cate Blanchett a également soutenu l’actrice Jennifer Lawrence dans sa lutte pour la parité salariale homme-femme, et raconte au magazine américain Variety avoir récemment refusé un rôle parce que son cachet n’était pas le même que celui de l’acteur censé partager l’affiche avec elle. « Une carrière se construit autant sur des non que sur des oui », conseille-t-elle d’ailleurs aux jeunes actrices. Dans cette même interview à Variety datée du mercredi 2 mai, Cate Blanchett a reconnu avoir été victime de « comportements inappropriés » de la part du producteur Harvey Weinstein, qu’elle a brièvement côtoyé lorsqu’il produisait Le talentueux Mr Ripley (1999), Aviator (2004) ou encore Carol (2015).

Elle se fait plus discrète s’agissant des allégations concernant Woody Allen, accusé par sa fille Dylan Farrow de l’avoir agressée sexuellement lorsqu’elle avait 7 ans. Critiquée publiquement par la jeune femme dès 2014 comme étant complice d’une « culture qui dénigre la parole des victimes » pour avoir travaillé avec son père, Cate Blanchett s’est longtemps refusé à commenter l’affaire. En mars dernier, elle a concédé « ne pas avoir été au courant de ces allégations à l’époque de sa collaboration » avec Woody Allen.