En janvier 2013, à Sofia. / Stoyan Nenov / REUTERS

Le paiement par smartphone, qui fait fureur en Chine et dans les pays scandinaves, pourrait commencer à intéresser également les Français. Les grandes banques françaises, alliées dans le paiement mobile depuis 2013 autour de la solution Paylib, vont proposer aux consommateurs un nouvel usage qui pourrait, enfin, susciter l’adhésion : échanger de l’argent avec leurs proches (amis, famille, employés à domicile…) en utilisant le numéro de mobile du destinataire.

Il s’agira ni plus ni moins que d’opérer un transfert d’argent de compte à compte, mais, au lieu de se procurer le numéro du compte bancaire (IBAN) du bénéficiaire, son numéro de téléphone suffira. Il reviendra à l’opérateur du système de compensation des paiements STET de traduire le numéro de téléphone en coordonnées bancaires par le biais d’un alias, les données personnelles ne quittant pas le système bancaire.

Le virement prendra, dans un premier temps, un à deux jours, puis quelques secondes, lorsque les infrastructures des banques françaises seront prêtes pour le paiement instantané, d’ici à la fin de l’année.

BNP Paribas sera le premier établissement à proposer ce service à partir de mercredi 9 mai. Il sera gratuit, et permettra de transférer jusqu’à 500 euros par jour. Les autres banques membres de Paylib suivront dans les prochains mois : en juin pour la Société générale, à l’été pour La Banque postale ou à la rentrée de septembre au Crédit agricole. Le Crédit Mutuel-CIC, le seul grand réseau qui manquait à l’appel, finalise actuellement ses négociations pour rejoindre prochainement le consortium Paylib. Dans quelques mois, 90 % des Français pourront ainsi, s’ils le souhaitent, tester ce nouveau moyen de paiement.

Débuts laborieux

Des start-up comme Lydia et des acteurs bien installés comme PayPal se sont déjà lancés dans les paiements entre amis en pair à pair, mais l’atout de Paylib réside dans son système interopérable entre les banques françaises. « Jusqu’à présent, les solutions disponibles sur le marché fonctionnaient en circuit fermé et les clients devaient créer des comptes intermédiaires, souligne Vincent Duval, le nouveau directeur général de Paylib. Désormais, le transfert d’argent se fera directement de mon compte courant au compte courant du bénéficiaire, même si les comptes sont dans deux banques différentes. »

En pratique, le client à l’origine du paiement devra activer Paylib. Le bénéficiaire sera directement crédité s’il s’est également affilié. S’il ne l’est pas, il devra saisir ses coordonnées sur le site Paylib. L’implication des principales banques françaises dans le projet doit permettre, à terme, une saisie simplifiée au maximum, pour rendre le paiement « aussi fluide pour tous les Français qu’entre les clients d’une même banque », précise Marc Espagnon, le directeur des moyens de paiement au sein de la banque de détail de BNP Paribas.

Pour autant, les experts du paiement ne veulent pas crier victoire. Paylib, en dépit du soutien de ses banques fondatrices et des quelques dizaines de millions d’euros investis, a connu des débuts laborieux. La solution, d’abord dévolue à la sécurisation des paiements sur Internet, puis au paiement sans contact avec un smartphone en magasin, ne compte aujourd’hui que 1,2 million d’utilisateurs, après cinq ans d’existence.

« Le paiement mobile reste encore marginal »

« Le paiement mobile reste encore marginal aujourd’hui, reconnaît Vincent Duval. On évalue le nombre de transactions réglées avec un téléphone mobile à entre 100 millions et 200 millions d’opérations par an en France, contre 12 milliards de transactions réalisées par carte bancaire. » A titre de comparaison, les paiements mobiles en Chine ont franchi le seuil des 10 000 milliards d’euros sur les dix premiers mois de 2017, soit près de 40 % de plus qu’en 2016. « Mais ce modèle n’est pas transposable, tempère le patron de Paylib, car la Chine n’est pas passé par l’étape de la carte bancaire, qui satisfait les Français ».

Le nouvel usage du pair à pair fera-t-il office de catalyseur ? « Dans les pays nordiques, c’est le paiement de personne à personne qui a fait le succès du paiement mobile. Pour que ça marche, il faut un effet de masse : si 30 % des consommateurs l’adoptent, on constate un puissant effet boule de neige », fait valoir Vincent Duval.

Prudent, Marc Espagnon assure que « le paiement mobile va se développer, toutes les banques investissent dessus aujourd’hui ». « Le plus tôt sera le mieux, ajoute-t-il, car la gestion du cash et le traitement du chèque sont beaucoup plus coûteux pour tous les acteurs économiques. »