Le jury du festival de Cannes est arrivé au Palais des festivals le 8 mai pour la cérémonie d’ouverture. / JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS

Une hôtesse enlève ses talons, suivie d’une autre. Elles ne peuvent pas s’asseoir dans le Grand Théâtre Lumière et vont rester debout, près de la sortie, pendant toute la cérémonie d’ouverture du festival de Cannes. Une comédienne se cale contre le mur à côté d’elles : elle s’est incrustée sans carton d’invitation en se collant derrière le cinéaste Martin Scorsese… Mardi 8 mai, vers 19 heures, la montée des marches de la 71e édition cannoise s’achève, fidèle à elle-même. Elle a paru toujours très longue malgré l’absence de selfies, désormais interdits.

Mais c’est ailleurs que l’on guette le vrai changement : huit mois après le scandale de l’affaire Weinstein, du nom du producteur américain accusé d’agressions sexuelles par de nombreuses actrices, le festival ne peut plus tout à fait être le même. Cannes n’était-il pas le « terrain de jeu » d’Harvey Weinstein, comme l’a souligné un journaliste du Guardian, dans un article paru le 4 mai ? Edouard Baer, animateur en chef de la soirée, se contente d’une petite allusion. Evoquant les carrières au cinéma, l’humoriste distingue « ceux qui ont couché, ceux qui ont refusé de coucher » ou « ceux qui ont couché avec la mauvaise personne ».

« Prédateurs »

Les VIP sont prévenus : avec leur badge d’accréditation, ils reçoivent un fac-similé de billet d’entrée, orné d’un nœud papillon et de cet avertissement : « Comportement correct exigé. Ne gâchons pas la fête, stop au harcèlement. » Suit le numéro de la hotline pour « toute victime ou témoin de violences sexistes ou sexuelles ».

Le délégué général du festival, Thierry Frémaux, avait déjà annoncé, lundi 7 mai, sur France Inter, une montée des marches 100 % féminine pour le samedi 12 mai. Et, pour la première fois, lors de la cérémonie d’ouverture, le « patron » du festival est venu présenter lui-même le jury de la 71e édition, paritaire et divers. Cinq femmes et quatre hommes venant des cinq continents : l’acteur taïwanais Chang Chen, la chanteuse burundaise Khadja Nin, le réalisateur russe Andreï Zviaguintsev, etc.

Puis vint le tour de la présidente du jury, Cate Blanchett. Est-ce parce que sa réputation de féministe est faite ? Ou parce qu’elle a tout récemment dévoilé dans Variety que Weinstein l’a harcelée, elle aussi ? « Comme la plupart des prédateurs, il s’attaquait principalement aux gens vulnérables », a-t-elle déclaré. Toujours est-il que l’actrice australienne, bientôt 49 ans et l’une des mieux payées au monde, n’a rien dit sur les femmes. Mais quelque chose se lisait sur son visage : sur la scène du Grand Théâtre Lumière, elle avait ce sourire de reine mère veillant sur son royaume, alors qu’elle déclarait ouverte la 71e édition aux côtés de Scorsese. Qu’elle dépassait d’une tête.