Benjamin Nétanyahou et Vladimri Poutine à Moscou, le 9 mai. / POOL / REUTERS

L’image avait de quoi surprendre. Au lendemain de l’annonce faite par Donald Trump de rompre l’accord sur le nucléaire iranien, c’est avec le meilleur allié des Etats-Unis sur ce dossier que Vladimir Poutine s’est affiché en recevant à Moscou, mercredi 9 mai, le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou. Au beau milieu du tollé déclenché en Europe par la décision du président américain, le chef du Kremlin s’est limité à se déclarer « préoccupé », sans préciser s’il souhaitait que soit préservé l’accord de 2015, dont la Russie est pourtant signataire, au même titre que la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Chine et bien sûr, l’Iran, son partenaire en Syrie.

Le président russe et son invité, portant tous deux le ruban patriotique de Saint-Georges à la boutonnière, ont assisté au traditionnel défilé militaire sur la place Rouge, commémorant la victoire de la seconde guerre mondiale sur le nazisme, avant de marcher ensemble, un portrait de vétéran à la main, lors du régiment Immortel qui célèbre les combattants soviétiques. Les deux hommes ont ensuite rejoint la réception offerte par le Kremlin pour le déjeuner. A aucun moment, même lorsque M. Poutine a interrompu quelques instants ce programme pour réunir son Conseil de sécurité, le chef de l’Etat russe n’a levé le voile sur ses intentions, ni même condamné formellement la décision de M. Trump, laissant ce soin à son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov.

L’isolement sur la scène internationale de Donald Trump après son annonce n’est sans doute pas pour déplaire à M. Poutine, mais il n’en a rien dit

Dans un communiqué, le ministère des affaires étrangères russe a rappelé que l’accord multilatéral « le plus important », approuvé par la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies (2015) « n’appartient pas seulement aux Etats-Unis mais à toute la communauté internationale ». « Nous sommes extrêmement préoccupés, ajoutait-il, par le fait que les Etats-Unis agissent de nouveau à l’encontre de l’opinion de la plupart des Etats et exclusivement dans leurs propres intérêts étroits et opportunistes, violant gravement les normes du droit international. » L’isolement sur la scène internationale de M. Trump après son annonce n’est sans doute pas pour déplaire à M. Poutine, mais il n’en a rien dit.

Le sujet brûlant du jour ne semble même pas avoir gâché les pourparlers menés mercredi après-midi entre M. Poutine et M. Nétanyahou. « C’est difficile à croire mais soixante-treize ans après l’Holocauste, nous avons un pays, l’Iran, qui appelle ouvertement à la destruction d’Israël », a commencé le premier ministre israélien qui était notamment accompagné par le chef du conseil de sécurité, Meir Ben Shabbat, sitôt les politesses d’usage terminées. La situation au Moyen-Orient est « malheureusement très grave », a répondu le chef du Kremlin, en présence de son ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et de la défense, Sergueï Choïgou. « Je voudrais exprimer l’espoir que vous et moi parvenions non seulement à discuter mais à trouver des solutions », a-t-il ajouté. « Nous allons réfléchir ensemble à la manière d’agir afin de parer les menaces qui existent d’une façon responsable et raisonnable », a approuvé son interlocuteur.

Réserve inhabituelle

Rien n’a filtré de leurs échanges sur la frappe attribuée à Israël sur la Syrie, mardi soir, qui a tué, près de Damas quinze combattants pro-Assad, dont 8 Iraniens, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Sur ce sujet aussi, pourtant abordé quelques instants plus tôt lors de la réunion de son Conseil de sécurité, M. Poutine n’a fait aucune déclaration publique. L’Iran est pourtant l’allié militaire de la Russie, sur le terrain, en Syrie, en soutien au régime de Bachar Al-Assad.

Moscou a également développé des projets économiques dans la République islamique, en particulier dans le domaine nucléaire. L’agence nationale Rosatom a ainsi entrepris la construction d’une deuxième centrale nucléaire, Bouchehr-2, en conformité avec l’accord qui vient d’être abrogé par les Etats-Unis. Mais mercredi soir, M. Poutine n’avait pas encore contacté Hassan Rohani, pourtant très sollicité par les Européens pour ne pas abandonner l’accord.

Accord nucléaire iranien : Hassan Rohani veut discuter avec les autres pays membres
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A l’unisson, les chaînes de télévision et agences russes, davantage intéressées par la montée des prix du pétrole « au plus haut niveau depuis novembre 2014 », ont observé, mercredi, la même réserve plutôt inhabituelle.