Gratifiée d’une invitation pour la soirée de la Quinzaine, je fais la queue avec ceux qui seront mes partenaires de soirée, mercredi 9 mai. Même assurés d’entrer, on attend quand même. Collés aux autres, indisciplinés, pressés de « teufer », de boire « gratos », de voir la « superbe nana » qui nous a dit que ce serait « grandiose », on attend.

« Elle est loin l’entrée, là. J’ai limite envie d’aller au Petit Majestic m’envoyer des verres de rouge. Les gens commencent à mettre la pression. Et y a toujours les mêmes relous sans invit’ qui s’incrustent sur le côté et bloquent le devant. Pardon, allez-y, poussez-moi, excusez-vous. » Mais Nicolas finira par y pénétrer, dans le temple privé de la fête. Il s’engagera, fier et blasé à la fois. Il dansera, ou gigotera de droite à gauche. Il lorgnera les autres se déhancher et balancer les épaules. Ceux qui « s’amusent et décompressent, sans complexe ».

Nicolas boira, ou renversera son verre, ou l’oubliera sur une table. « On s’en fout, c’est open bar. » Il paiera des tournées qu’il ne paiera pas, donc. Il fumera à l’intérieur. « On s’en fout, c’est ouvert derrière, face à la mer. T’as pas vu ? C’est canon. Et puis, tout est permis ici. » Nicolas estimera que « toutes les meufs sont bonnes », mais il n’aura envie « d’en baiser aucune ». Il tentera de séduire, et expliquera après, qu’il « aurait pu, mais qu’il n’a pas voulu ».

« On rentrera pas, on est trop raides »

La musique jouera, sans risque, des rythmes cubains, du reggaeton, du R’n’B 90’s, quelques titres de rap français. Le 113 et IAM. Nicolas commentera : « Genre les gens à Cannes, ça leur parle les cris de banlieusards. » Vers 1 heure, quand « le DJ aura eu les couilles de jouer de la musique pour lui » (comprendre, de l’electro), au bar, il n’y aura plus de gin et à peine de la vodka. Que du rosé, du blanc, de la bière. « On s’en fout, j’en ramène pour tout le monde, c’est open bar. »

Peu avant 2 heures, il dira : « Je vais pisser, et après, on parle after. » En revenant de la queue interminable, les trois quarts des gens auront filé. Ses potes lui feront savoir qu’il y a « un mec qui propose un after sur un yacht ». Nicolas sera « chaud ». Puis reviendra, avec ses potes, bredouilles. « Fallait y aller en canot. Et y avait pas de nana. C’était chelou. On va où, du coup ? »

Après 2 heures, le Petit Majestic est fermé. Il reste les bars des palaces, « mais on ne rentrera pas, on est trop raides ». Les villas, « mais en vrai, on ne sait pas où, ni qui, ni comment ». Le VIP, « mais c’est un peu trop Paname ». Le Carré d’or, « on peut, et on avise sur place ».

Au Play, dans le carré d’Or, qui ferme à 5 h 30 et qui n’a pas (du tout) trouvé grâce aux yeux de Nicolas. / Charlotte Herzog / Le Monde

Personne, et le verre coûte 25 euros

Nicolas ira ainsi au Play. DJ hurlant. Refrain d’On va tout casser en boucle. Des néons roses qui ne trouveront pas grâce à ses yeux. Des filles qui n’auront d’yeux que pour on ne sait qui, mais pas pour lui. « On bouge ? C’est pourri ici ! » Nicolas enchaînera avec le Bus Paradise, vivement encouragé par le gérant de ce petit strip club du bout de la rue, qui les a invités, lui et ses copains, gratuitement, pour la dernière demi-heure. « Après tout, on est là pour voir ce que c’est Cannes by night ». Dommage, il n’y a personne. Et le verre coûte 25 euros. Et puis ça va fermer. « On s’en va ? »

Il reste le Sept, « after atypique » selon le patron du Byzance. Ou chez Claudia, le Brumels, au bout de la rue d’Antibes. Ils feront les deux. Vers 6 heures, il fera jour. Ils en auront marre. Fatigue. Marche à pied. Boulangerie qui ouvre. Croissant. Tisane. Réveil dans deux heures. Dire qu’à 23 heures tout semblait si bien. La lose semblait si loin. Mais quand t’as pas de plan, t’as pas de plan.