Quim Torra après son élection à la tête de la Catalogne, le 14 mai. / LLUIS GENE / AFP

« Sectaire », « radical », « antiespagnol », « xénophobe »… Les qualificatifs utilisés par l’opposition de droite comme de gauche pour définir le nationaliste Quim Torra, le nouveau président de la Catalogne, sont loin d’annoncer l’apaisement des tensions politiques dans la région espagnole.

Quim Torra i Pla a été élu lundi 14 mai au poste occupé par Carles Puigdemont jusqu’à la mise sous tutelle de la région après sa déclaration unilatérale d’indépendance, le 27 octobre 2017. Il a obtenu 66 voix pour, 65 contre et quatre abstentions, celles du parti d’extrême gauche CUP, qui avait décidé de ne pas rejeter sa candidature après des mois de blocage entre les forces indépendantistes.

Cet avocat de formation, âgé de 55 ans, est né à Blanes, dans la province ultra-indépendantiste de Gérone. Cultivé, adepte d’une ironie mordante, il occupa pendant près de vingt ans un poste de direction dans une multinationale d’assurance avant de créer en 2008 une maison d’édition, A Contra Vent, et de se consacrer à l’activisme indépendantiste, quand cette option était encore très minoritaire en Catalogne.

« Dernière colonie d’Europe »

Mais depuis que M. Puigdemont l’a désigné comme successeur, vendredi, le candidat numéro 11 de la liste Ensemble pour la Catalogne (JxC) est rattrapé par les nombreux articles d’opinions et de Tweets qu’il a rédigés ces dernières années, multipliant les commentaires anti-espagnols, traduisant une conception ethnique du catalanisme – parlant par exemple de « l’ADN » des Espagnols, qui « ne savent que spolier ». Il y affiche son mépris de ceux qui parlent castillan dans la région, et n’hésite pas à qualifier la Catalogne de « dernière colonie d’Europe ».

Devant le Parlement, il a demandé pardon pour ses prises de position les plus polémiques. Il avait déjà effacé ses Tweets. « Je regrette, cela ne se reproduira plus », a-t-il déclaré.

Essayiste, auteur de sept ouvrages, principalement sur les journalistes et intellectuels de Catalogne des années 1920 et 1930, il s’est engagé brièvement en 2009 au sein du parti Reagrupament, une scission de la Gauche républicaine (ERC) qui finit par s’allier avec la droite nationaliste. Il présida aussi brièvement une association indépendantiste, Souveraineté et justice. Entre 2010 et 2015, il fut à la fois membre du conseil de direction de l’Assemblée nationale catalane (ANC) et vice-président d’Omnium cultural, les deux puissantes associations indépendantistes catalanes.

« Sans trêve et sans flancher »

En 2012, il avait porté plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme contre une résolution du Tribunal constitutionnel espagnol, qui avait censuré plusieurs articles du statut d’autonomie catalan. Sa plainte avait été rejetée, mais il s’était dit prêt à saisir « chaque possibilité, même infime, pour affronter le royaume d’Espagne jusqu’à la fin, sans trêve et sans flancher ».

Directeur du centre culturel El Born (BCC) de Barcelone, lorsque ce musée présentait une exposition sur les trois cents ans du siège de Barcelone de 1714 par les partisans du roi Felipe V, lors de la guerre de succession au trône d’Espagne, il définissait alors le lieu comme « le Ground Zero des Catalans ».

Mais c’est en tant que bref président d’Omnium cultural, après l’engagement politique de sa prédécesseure, en 2015, que cet ancien directeur de la Revista de Catalunya et du Centre d’études contemporaines de la Généralité – le siège du pouvoir catalan – a obtenu la fonction la plus médiatique de sa carrière. Un poste intérimaire qu’il quitta au bout de cinq mois.

Vers une dissolution ?

Cinq mois, ce sera peut-être aussi la durée de son mandat de président de Catalogne. Il aura sans doute du mal dans ces conditions à appliquer son programme, à commencer par la rédaction d’un projet de Constitution de la République catalane. C’est en tout cas ce qu’a assuré Carles Puigdemont au journal italien La Stampa, précisant que son successeur pourrait dissoudre le Parlement en octobre de manière à organiser des élections en plein procès des dirigeants sécessionnistes accusés de « rébellion ».

Car les principales qualités de Quim Torra, cet « indépendantiste émotionnel » comme il se définit, sont sans doute sa fidélité à sa terre au-dessus de tout, y compris de ses « propres convictions », et sa soumission à l’ancien président de la région. Soumission assumée par M. Torra dès les premiers mots de son discours d’investiture, insistant sur le fait que M. Puigdemont est encore le « président légitime » de la Catalogne.

Pourquoi les Catalans souhaitent-ils être indépendants ?
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