Manifestation lors du premier débat public sur la Montagne d'Or, Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane), mardi 3 avril 2018. / Jody Amiet. Commission nationale du débat public.

Alors qu’un débat public est ouvert jusqu’au 7 juillet pour « Montagne d’or », un projet de mine d’or à ciel ouvert en Guyane, les critiques se multiplient contre ce projet porté par le consortium russo-canadien Nordgold-Columbus Gold. Des voix s’élèvent au sein de la population, mais aussi chez les associations écologiques, dont le WWF, et certains responsables politiques.

Le député européen Yannick Jadot a, par exemple, dénoncé « une catastrophe », le 11 mai sur France Info. De son côté, Emmanuel Macron y est favorable. En 2015, alors ministre de l’économie, il plaidait déjà pour une augmentation de l’activité aurifère en Guyane.

La construction est prévue de 2019 à 2021, sous réserve d’autorisations, pour une production d’environ 6,7 tonnes par an, de 2022 à 2034. Explication en trois points.

1. Risque élevé de déversement de cyanure dans la nature

Pour exploiter une mine d’or, il faut, en l’état des avancées technologiques, utiliser du cyanure. Ce composant chimique est tellement toxique que les députés européens ont demandé, sans succès, à la Commission européenne, via deux résolutions votées en mai 2010 et avril 2017, d’interdire le cyanure dans l’industrie minière des Etats membres. Les risques pour l’environnement se situent essentiellement au stade du transport, du stockage et du recyclage du cyanure.

Le cyanure permet notamment de rendre soluble l’or par « lixiviation » – ou dissolution chimique permettant d’extraire d’un minerai les métaux et minéraux de valeur. Après lixiviation, l’eau et les boues contaminées au cyanure sont stockées dans des bassins de rétention. En cas de débordement, à cause de fortes pluies par exemple, ou de rupture de digue, le cyanure est alors déversé dans la nature. « La présence de larges quantités de boue liquide, chargées en produits dangereux derrière des digues peut avoir des effets désastreux pour l’environnement en cas de fuite ou de rupture de ces digues », rappelle le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dans un rapport de 2013.

L’accident le plus emblématique reste la rupture du barrage de la mine d’or de Baia Mare en Roumanie, en 2000. Il s’agit de la plus grande catastrophe écologique en Europe de l’Est depuis Tchernobyl. L’eau polluée, qui a tué des milliers de poissons, s’est déversée dans les rivières locales avant de gagner le Danube, pourtant à plusieurs centaines de kilomètres de distance. « Au moins 25 ruptures de digue ont eu lieu depuis 2000 dans le monde », recense l’ONG allemande Sauvons la forêt.

Le projet guyanais a la particularité de se situer à proximité de deux réserves biologiques intégrales, rappelle le WWF.

2. Déforestation

Les projets de mine d’or sont source de déforestation. En 2015, des chercheurs de l’université de Porto Rico ont alerté sur le lien entre l’accélération de la déforestation des forêts humides d’Amérique du Sud et l’extraction aurifère. « La déforestation était significativement plus élevée au cours de la période 2007-2013, et cela était associé à l’augmentation de la demande mondiale d’or après la crise financière internationale », écrivent-ils.

Mais ce lien de causalité inclut l’orpaillage, ou recherche artisanale de l’or à petite échelle, souvent pratiqué dans l’illégalité. Une étude portant sur une zone de 600 000 kilomètres carrés, de l’Etat brésilien d’Amapá au Guyana en passant par la Guyane française et le Surinam, démontre que les cours mondiaux de l’or déterminent l’ampleur de la déforestation liée à l’orpaillage. « Lorsque le cours de l’or était en deçà de 400 dollars l’once, voici une quinzaine d’années, environ 2 000 hectares de forêts étaient annuellement déforestés par l’orpaillage. Quand il a flambé, pour atteindre 1 600 dollars l’once en 2011-2012, cette déforestation a atteint près de 9 000 hectares par an », pointent les chercheurs du Centre international de recherche agronomique pour le développement (Cirad), du CNRS et de l’université de Guyane.

Au cœur des mines d’or sauvages du Brésil

Les défenseurs du projet guyanais prédisent que la future mine facilitera la lutte contre l’orpaillage illégal, sans toutefois convaincre les opposants. Ces derniers estiment que ces deux éléments n’ont aucun rapport entre eux.

Dans le cas guyanais, le projet de 800 hectares implique de déboiser 374 hectares de forêt primaire ainsi que 200 hectares supplémentaires pour construire la ligne haute tension qui alimentera la mine en électricité. La superficie de la forêt primaire à déboiser représente l’équivalent de 820 terrains de football.

3. Dépenses d’eau et d’énergie

Comme toutes les industries minières, les mines d’or utilisent beaucoup d’eau. Dans le monde, une grande partie des mines d’or sont situées dans des zones de « stress hydrique » (en situation de pénurie d’eau). Par exemple, l’Australie compte parmi les principaux pays producteurs d’or alors qu’elle souffre déjà d’un stress hydrique important. Au Pérou, le projet de mine d’or et de cuivre de l’américain Newmont a été suspendu en 2012 après que la population a protesté, compte tenu du risque de pollution de l’eau, mais aussi de manque d’eau pour les habitants.

Pour le projet guyanais, « en moyenne, 140 000 litres d’eau par heure sont nécessaires », calcule l’association Sauvons la forêt.

Les besoins électriques de la mine s’élèveront, quant à eux, à 20 MW, soit 8,5 % de la consommation électrique totale de la Guyane, calcule le site Novethic. Par ailleurs, 142 millions de litres de fuel seront nécessaires sur les douze années de vie du projet.