Le Domaine de Chaumont-sur-Loire, sis en Loir-et-Cher à l’aplomb du fleuve, attire tout au long de l’année des visiteurs toujours plus nombreux. Le Festival international des jardins, qui s’y tient tous les ans (en 2018, jusqu’au 4 novembre), a ses aficionados, qui le visitent des les premiers jours (dès le matin du premier jour pour les plus mordus !). C’est près d’une trentaine de jeunes équipes qui concourent cette année, avec pour thème les « Jardins de la pensée ». Que viennent épauler des paysagistes plus expérimentés mais toujours.. verts comme Bernard Lassus (né en 1929).

Le château, entièrement restauré au XIXe siècle. / L. JEDWAB/"LE MONDE"

« Chaumont », c’est aussi un château qui a vu séjourner Catherine de Médicis, Diane de Poitiers ou, au XIXe siècle, la très gâtée héritière des sucres Say, mariée à un prince de Broglie. C’est ce couple en vue de la « bonne société » qui le fera restaurer et moderniser, et fera aménager le parc par le paysagiste Henri Duchêne. Faisant déplacer au passage l’église et... le cimetière du village. Doté d’écuries exceptionnelles et de vastes communs, il se prête aujourd’hui à un double parcours historique et d’art contemporain, ce dernier reflétant les choix pointus de Chantal Colleu-Dumond, la directrice du domaine.

Celle-ci anime depuis dix ans, en plus de la responsabilité du château, des jardins et du festival, le Centre d’arts et de nature, placé sous la tutelle bienveillante de la région Centre -Val-de-Loire. Elle a ainsi sollicité, en vue d’expositions ponctuelles ou d’installations pérennes, de nombreux artistes ou paysagistes, d’Andy Goldsworthy à Anne et Patrick Poirier. Leur liste ne déparerait pas dans un prestigieux catalogue de musée. Et l’intégration des œuvres dans les différents espaces du site, à commencer par ceux ouvrant la vue sur la Loire, « fonctionne » à merveille.

La vue sur la Loire, depuis la terrasse du château. / L. JEDWAB/"LE MONDE"

Cette année, retient particulièrement l’attention l’œuvre d’Eva Jospin (née en 1975), Folie. A l’extérieur grotte en « rocaille » qui attendrait qu’une végétation envahissante vienne la recouvrir, elle est faite, à l’intérieur, de ciment projeté sur du carton ondulé. Le décor de la voûte, avec ses incrustations de coquillages, évoque les nymphées de la Renaissance italienne, qui inspirèrent certaines fabriques du XVIIIe siècle à l’intérieur richement orné. Surprenante, dans tous les sens du terme, elle se découvre au détour d’une flânerie dans une allée sylvestre du parc historique.

« Folie », d’Eva Jospin (2018). / L. JEDWAB/"LE MONDE"

Porte ouverte sur l’inconscient, l’installation de la plasticienne brésilienne Nathalie Nery (née en 1965), également dans le parc historique, est faite de feuilles de jacquier roulées en cônes assemblés en une figure concentrique et assymétrique sur le tronc d’un chêne. L’effet esthétique, indéniablement réussi, renforce l’interrogation de son titre : Est-ce que si un arbre peignait...

« Est-ce que si un arbre peignait... », de la Brésilienne Nathalie Nery (2018). / L. JEDWAB/"LE MONDE"

Autre œuvre récente, qui tire parti de l’environnement étendu de prairie, de bosquets et de lisière d’arbres des prés du Goualoup aménagés en 2011-2012 par le paysagiste Louis Benech : l’installation herbeuse du vétéran Nils-Udo (né en 1937), Volcan, qui, à défaut de lave en fusion, réserve à ceux qui en entreprennent la modeste ascension une surprise... marmoréenne.

« Volcan », de Nils-Udo (2018). / L. JEDWAB/"LE MONDE"

Le souhait de Chantal Colleu-Dumond d’attirer dans un lieu d’exception « le conservateur de Beaubourg et M. et Mme Tout-le-Monde » semble exaucé. Le jardin dans ses différentes déclinaisons – régulière, historique, paysagère ou... potagère – est en effet du goût de tous, et les circulations des différents publics, fluides, d’un espace à l’autre, ne manquent pas d’en enrichir le regard sans en appauvrir... la pensée.

Domaine de Chaumont-sur-Loire, Festival international des jardins, jusqu’au 4 novembre.