Des professionnels de la santé s’équipent avant de soigner des patients qui seraient  contaminés par Ebola, à l’hôpital de Bikoro, en République démocratique du Congo, le 12 mai. / MARK NAFTALIN / AFP

Un vaccin expérimental contre Ebola pourrait être déployé dès lundi 21 mai en République démocratique du Congo (RDC). Alors que le virus s’est déclaré dans le nord-ouest du pays, les autorités ont donné leur feu vert lundi 14 mai à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les premières doses devraient être acheminées dans la semaine mais la logistique s’avère très compliquée. L’épicentre de l’épidémie, la ville de Bikoro, se situe dans une zone très reculée, à deux jours de route de la capitale Kinshasa. Par ailleurs, le vaccin doit être conservé à une température comprise entre – 60°C et – 80°C ce qui suppose l’envoi des équipements spécifiques.

Mis au point par le laboratoire pharmaceutique Merck en 2016, le vaccin s’est révélé efficace lors d’essais sur les humains, mais il n’a pas encore reçu d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Connu sous le nom de code V920, il avait été testé en Guinée en 2015, à la fin de l’épidémie qui avait fait plus de 11 000 morts en Afrique de l’Ouest. Les résultats publiés dans The Lancet début 2017 semblent très prometteurs : sur les quelque 6 000 personnes vaccinées (dont près de 200 enfants) aucune n’a contracté la maladie dans les semaines suivant la vaccination. Les participants avaient été sélectionnés sur la base de leur proximité avec un patient infecté.

Le V920 s’appuie sur les travaux d’un laboratoire de recherche public canadien, et a d’abord été développé par la biotech américaine NewLink Genetics. Merck a conclu avec elle un accord de licence fin 2014, et commencé les vaccinations dès mars 2015 en Guinée. Les données collectées lors de cet essai clinique, le plus important conduit dans un contexte épidémique, seront étudiées à la loupe par les autorités de santé en Europe et aux Etats-Unis où Merck prévoit de déposer une demande d’AMM. Le laboratoire comptait présenter son dossier fin 2017 mais a pris du retard, et aucun calendrier n’a été avancé pour 2018.

Les vaccins ont été fabriqués par Merck

L’OMS dispose aujourd’hui de 4 000 vaccins, mais au moins 300 000 autres doses sont disponibles. Ces vaccins ont été fabriqués par Merck à la suite d’un accord passé avec Gavi, une organisation internationale dont l’objectif est de favoriser l’accès des pays pauvres aux vaccins. En janvier 2016, elle s’était engagée à verser 5 millions de dollars au laboratoire américain en contrepartie de la création d’un stock d’urgence. « Il est inquiétant de constater que le monde n’est toujours pas prêt à faire face aux nouvelles menaces sanitaires qui pourraient se présenter à l’avenir ; il faut absolument changer de mentalité et investir dès aujourd’hui dans la recherche et le développement pour assurer notre protection dans les années à venir, » avait à ce moment déclaré le Dr Seth Berkley, le directeur de Gavi.

L’OMS a comptabilisé 39 cas suspects, probables ou confirmés de fièvre Ebola entre le 4 avril et le 13 mai aux alentours de Bikoro. Sur ces cas-là, 19 ont été mortels. Près de 400 personnes ayant été en contact avec les malades ont été placées en observation. Elles devraient être les premières à recevoir le vaccin, ainsi que le personnel soignant, l’objectif étant de limiter au maximum le risque de diffusion.

Mbandaka, la ville la plus proche, se situe à quinze heures de route. « Une épidémie urbaine majeure [à Mbandaka] est un risque immédiat », a souligné Peter Salama, responsable des situations d’urgence à l’OMS. « Une fois qu’Ebola arrive dans les zones urbaines, en particulier dans les bidonvilles urbains pauvres, il est très difficile d’éliminer la maladie », a-t-il ajouté. Les liaisons fluviales représentent aussi un risque : par le fleuve Congo, Bikoro est relié à la capitale Kinshasa (11,5 millions d’habitants) ainsi qu’à Brazzaville la capitale de la République du Congo (1,9 million d’habitants).