Romain Grosjean à Bakou (Azerbaïdjan), le 26 avril. / DAVID MDZINARISHVILI / REUTERS

Le « fou furieux du premier tour » est-il de retour ? Après s’être élancé d’une bonne 10e position sur la grille, Romain Grosjean est parti en tête-à-queue en milieu de peloton dès le premier tour du Grand Prix d’Espagne, le 13 mai, entraînant dans son abandon ceux de Pierre Gasly (Toro Rosso) et de Niko Hülkenberg (Renault). Difficile à vivre deux semaines après la sortie de route au ralenti, voiture de sécurité (safety car), qui s’est terminée dans un muret de Bakou, lors du Grand Prix d’Azerbaïdjan, le 29 avril. Bilan : une 19e place et zéro point inscrit après les cinq premières courses de la saison.

Au-delà des sanctions officielles, ce début de saison provoque les moqueries sur les réseaux sociaux et ravive les souvenirs d’un temps où l’Australien Mark Webber, furieux d’avoir été embouti dès le premier virage du Grand Prix du Japon 2012 par Romain Grosjean, l’avait traité de « first-lap nutcase ».

ROMAIN GROSJEAN TERRIBLE CRASH AT F1 SPAIN GP 2018 - SAFETY CAR
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Ou ça passe ou ça casse. Ainsi peut se résumer en effet la première saison complète du jeune Grosjean en 2012. Quand il passe, il monte sur le podium, trois fois au total, dont le premier en avril à Bahreïn, une première pour un pilote français depuis treize saisons. Quand il casse, c’est dès le deuxième tour, à Melbourne, lors de la course inaugurale. Une péripétie qui se renouvellera à sept reprises au cours de la saison et toujours lors du premier tour. De quoi lui valoir les honneurs des « Guignols de l’Info ».

A Spa-Francorchamp (Belgique), Romain Grosjean provoque dès le départ un carambolage « où personne, heureusement, est blessé », commentera-t-il plus tard. Fait rarissime, la Fédération internationale de l’automobile (FIA) le pénalise d’un Grand Prix – celui d’Italie. S’en suit la fameuse course à Suzuka où il envoie Mark Webber dans le décor. « Ma plus gosse erreur, à mon avis. Je me suis trompé d’objectif », reconnaît le pilote trop pressé, quatre ans plus tard sur le plateau de « On n’est pas couché ».

F1 2015 Russian GP Romain Grosjean Crash
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Depuis, Romain Grosjean a mûri. A 30 ans, il est à nouveau aux avant-postes, pilote d’une nouvelle écurie, l’américaine Haas. Il revient de loin. Après trois années passées chez Lotus pour une meilleure 7e place et six podiums en 2013, il a même songé un temps abandonner l’élite de la compétition automobile pour se consacrer à la cuisine, son autre passion, avec sa femme, Marion Jollès Grosjean, journaliste sur les circuits de F1.

Nurserie de Ferrari

Haas, pour Romain Grosjean, c’est certes le retour des Etats-Unis en F1 après trente ans d’absence, mais surtout l’entrée par la petite porte chez Ferrari, motoriste de l’écurie ; la Scuderia, dont il rêve depuis l’enfance. Sans démériter, le Français enchaîne deux saisons terminées à la 13e place du classement des pilotes. Une impression de stagnation, les années qui passent, d’où une pression qui peut expliquer les maladresses réitérées comme en Azerbaïdjan, le 29 avril.

« C’était une bonne course jusqu’à la safety car, et puis en chauffant les pneus, j’ai tourné le volant fort et j’ai tapé un bouton sur le volant qui s’est décalé, ce qui fait que quand j’ai touché les freins un petit peu plus loin, les roues arrières se sont bloquées et la voiture est partie en tête à queue », tentait-il d’expliquer après l’arrivée. Une péripétie déjà vécue en juillet 2014 en Hongrie.

« Ce Grand Prix est crucial »

Sur le circuit de Catalogne, ce week-end, le pilote franco-suisse était conscient des enjeux. « On a la chance d’avoir une voiture compétitive depuis le début de la saison. Partir dans le top 10, l’occasion est belle d’ouvrir mon capital points… Ce Grand Prix est crucial pour sortir de la mauvaise passe que j’ai traversée », annonçait-il en conférence de presse après les essais qualificatifs.

Crucial, mais raté. Après cette énième maladresse, la toile, la presse et Nico Hülkenberg, le pilote Renault envoyé dans les graviers, se déchaînent. Le site de 20 Minutes titre sur le « Pierre Richard de l’asphalte ». Grosjean est aussi moqué sur Twitter pour sa maîtrise du freinage, qu’il vante actuellement dans une publicité réalisée avec son épouse… pour la sécurité routière.

La Haas de Romain Grosjean heurte le muret de protection à Bakou (Azerbaidjan), le 27 avril. / Luca Bruno / AP

Niko Hülkenberg ne décolérait pas à propos de son confrère. « Il est très doué pour se mettre en tête-à-queue et emporter d’autres pilotes avec lui. Je ne sais pas combien de fois il part en tête-à-queue par semaine. S’il fait ça tout seul, pas de problème. Mais s’il élimine d’autres pilotes en course, ça ne va pas. »

Après avoir visionné les images de l’incident, les commissaires sportifs infligent trois places de pénalité à Romain Grosjean sur la grille de départ du prochain Grand Prix, à Monaco le 27 mai, et deux points de pénalité sur sa super-licence. Si un pilote accumule douze points de pénalité en douze mois, il écope d’un « Grand Prix de suspension ».

« A l’autre bout du spectre »

« Il n’y a pas grand-chose à dire, a commenté officiellement Romain Grosjean. J’ai perdu l’adhérence à l’arrière dans le virage 3 et j’ai dérapé. Si vous regardez les images, je voulais éviter tout contact avec mon coéquipier. Kevin [Magnussen] a un peu de vacillé, j’ai levé le pied, et ensuite la voiture est partie. Je suis désolé pour les autres qui ont été impliqués (…). Je voulais faire une course régulière, mais ce n’était pas pour aujourd’hui. »

Guenther Steiner, patron de l’écurie Haas, s’est voulu positif. Même si la course de son pilote s’est arrêtée « trop tôt », il déclarait avoir vécu « dans l’ensemble une bonne journée [puisque] nous avons montré une fois encore que nous sommes en haut du milieu de tableau ». Une performance d’ensemble qu’il devait surtout au Danois Kevin Magnussen, le coéquipier de Grosjean, sixième à l’arrivée. 

Contactée par Le Monde, Haas n’a pas souhaité ajouter de commentaires après la prestation du Français. Fin 2017, Guenther Steiner n’avait pas hésité à se débarrasser du Mexicain Esteban Gutiérrez, lanterne rouge des pilotes avec zéro point. Grosjean est prévenu, en Formule 1, la patience touche toujours très vite à ses limites.