L’une des deux grandes salles de travail du Club Melchior Coworking, à Charly , une commune au milieu des vignes et des vergers, à une vingtaine de kilomètres de Lyon. / Club Melchior Coworking

Les bureaux sont lumineux, pleins de charme, avec boiseries d’époque, moulures, cheminées en marbre. Par les fenêtres, la vue est belle : d’un côté le château, de l’autre la cour intérieure de la bâtisse construite au XVIe siècle, ou encore le parc arboré.

« En travaillant chez moi, j’avais du mal à rester motivé et productif », Stéphane Appéré

Stéphane Appéré n’imaginait pas trouver un espace de travail dans un environnement aussi agréable, et surtout en dehors du centre de Lyon, à même pas dix minutes de chez lui. Quand il n’est pas sur la route, ce commercial itinérant apprécie de pouvoir venir travailler ici, au Club Melchior, espace de « coworking » (espace de travail partagé) au cœur de la commune de Charly (4 500 habitants), situé sur les coteaux du Lyonnais, à une vingtaine de kilomètres de Lyon, au milieu des vignes et des vergers. « En travaillant chez moi, j’avais du mal à rester motivé et productif. Mais, dit-il, je n’avais pas envie de perdre mon temps, une heure à l’aller, une heure au retour, dans les embouteillages pour aller travailler en centre-ville. »

« Le coworking séduit de plus en plus les territoires en périphérie des métropoles ou à la campagne, observe Patrick Lévy-Waitz, président de la fondation Travailler autrement et du groupe de portage salarial ITG, qui s’est vu confier par le gouvernement en février une mission pour dresser un état des lieux de ces nouveaux espaces de travail et définir les conditions de leur viabilité afin de réduire les fractures territoriales. « Pour la première fois, on a, avec le coworking, une vraie réponse au désenclavement des territoires : avec cette nouvelle forme de travail, des territoires peuvent retrouver une vraie dynamique. »

Eviter perte de temps, stress, fatigue et bouchons

Le Club Melchior est l’un des premiers espaces de coworking qui ont ouvert, en février 2016, en périphérie de Lyon, à l’initiative de la commune de Charly. « L’idée première était de permettre aux habitants de Charly et des alentours de pouvoir travailler près de chez eux en leur évitant perte de temps et d’argent, stress, fatigue dans les bouchons », expliquent Stéphanie Torrilhon et Céline Passot, animatrices du lieu.

L’espace, équipé en tout point d’un accès Wi-Fi très haut débit, compte deux grandes salles de travail, l’une dite « conviviale » où les personnes peuvent échanger à voix basse, et une autre « silencieuse ». Une petite pièce est réservée aux professionnels ayant besoin de téléphoner. Les « coworkers » (travailleurs qui partage l’espace) disposent aussi d’une cuisine commune, d’un salon de détente et de sanitaires avec douche.

« Nous voyons venir de plus en plus des salariés », Stéphanie Torrilhon

Après deux ans d’exploitation, le Club Melchior compte une vingtaine d’adhérents réguliers, qui viennent de communes situées dans un rayon de dix à quinze kilomètres, certaines même hors du Grand Lyon. « Si, au départ, nous avons accueilli essentiellement des indépendants, nous voyons venir de plus en plus des salariés. Depuis les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 [qui ont assoupli les conditions de mise en œuvre du télétravail, le rendant possible régulier ou occasionnel], les entreprises commencent à se faire à l’idée du télétravail », souligne Stéphanie Torrilhon.

Attirer « des entreprise du centre de Lyon »

Trois bureaux fermés, aménagés à l’étage, permettent aussi d’accueillir des entreprises qui se lancent. Des salles de réunion et de séminaire sont proposées à la location à des sociétés extérieures. « L’objectif est aussi que Charly retrouve un rayonnement en attirant des entreprises du centre de Lyon », dit Marie-Laure Rué-Petoton, élue déléguée au développement durable à la mairie de Charly.

Le couple apprécie d’avoir trouvé un vrai bureau non loin de chez lui

« Le coworking c’est un partage de lieu, mais c’est aussi un lieu de partage, insiste Céline Passot. L’intérêt est de pouvoir nouer des liens avec d’autres, de se créer un réseau. » Après un début de carrière en entreprise à Lyon, Lionel de Gournay a créé avec sa femme, en décembre 2017, son agence d’architecture. Le couple, qui a fait le choix de s’installer en périphérie au sud-ouest de la métropole, apprécie d’avoir trouvé un vrai bureau non loin de chez lui, mais aussi « un environnement humain et relationnel, relève l’architecte. Et la diversité des profils, des personnalités, des compétences est créatrice d’opportunités d’affaires ».

Situé à Tassin-la-Demi-Lune, commune de l’Ouest lyonnais, Mix Coworking propose un espace de travail ouvert et partagé, un espace café, de petits bureaux et une salle de réunion. / Jean-Marc Blache - Photographe

C’est aussi un réseau, de l’émulation que l’on vient chercher au Mix, à Tassin-la-Demi-Lune, premier espace périurbain du Grand Lyon à avoir ouvert, en septembre 2015. Bien que dans une partie plus urbaine de l’Ouest lyonnais, Mix Coworking n’en est pas moins un lieu chaleureux et lumineux, où chacun peut choisir sa place pour travailler : l’ambiance conviviale d’un vaste espace café, le calme de la grande table partagée ou l’intimité d’un box individuel pour téléphoner ou se concentrer.

Communauté d’entraide et de coopération

Ici viennent surtout des porteurs de projet et créateurs d’entreprise. Salariée en reconversion, Christine Vermorel-Delmas a choisi d’y domicilier sa société dès sa création, il y a six mois. « Je tenais à séparer sphères privée et professionnelle, et m’installer ici m’a permis de me rapprocher de Lyon sans aller dans le centre. Surtout, explique-t-elle, ici il y a une vraie communauté qui vous aide lorsqu’on a des moments de doute. »

Deux ou trois fois par semaine, quand il ressent de besoin de « casser la routine »

« Créer une société seul n’est jamais facile. On peut partager les questions que l’on se pose, apprendre de la méthode, de la façon de travailler des autres », abonde Yannick Fournier. Ce créateur d’une agence de conception de sites Internet ne vient que deux ou trois fois par semaine, quand il ressent de besoin de « casser la routine ». Ou quand il doit travailler avec des partenaires : il lui arrive en effet désormais de répondre à des marchés avec d’autres coworkers au profil complémentaire.

Chaque semaine, le Mix propose des ateliers pour développer son réseau, s’entraider, renforcer ses compétences en communication, stratégie commerciale, gestion…

Dynamisme territorial

Ateliers thématiques, conférences autour d’un invité, moments conviviaux autour d’un café, d’un apéritif ou d’un repas : Bénédicte Poncet, fondatrice du Mix, comme Stéphanie Torrilhon et Céline Passot, du Club Melchior, s’attachent à entretenir leur communauté de coworkers. « En ouvrant nos ateliers aux entreprises extérieures, nous cherchons aussi à faire connaître les compétences présentes au sein du Mix. Notre objectif est de participer au développement du territoire », dit Bénédicte Poncet, qui a ouvert en septembre 2016 une annexe à Francheville à la demande du maire, et en inaugurera une seconde, en juin, à Ecully.

Les trois lieux composent une seule et même communauté de « mixeurs » : l’espace central de Tassin gère le back office et l’événementiel, les antennes locales accueillent les coworkers au quotidien.

« Plutôt que de jouer la concurrence, les territoires doivent jouer la mutualisation », Patrick Lévy-Waitz

« Ouvrir un espace nécessite une masse critique, relève Patrick Lévy-Waitz . Et plutôt que de jouer la concurrence, les territoires doivent jouer la mutualisation. » « Il faut mettre ces lieux en réseau si l’on veut en tirer un bénéfice pour les territoires », appuie Lucie Verchère, chargée de mission temps et services innovants à la métropole lyonnaise.

La collectivité s’est attachée, dès 2014, à soutenir la mise en réseau des espaces de coworking du Grand Lyon et l’accompagne dans son développement et sa coordination. Ce réseau compte à ce jour vingt-deux espaces, mais seuls six encore en périphérie, sur les cinquante-neuf communes du Grand Lyon : à Charly, Tassin-la-Demi-Lune, Francheville, Ecully, ainsi qu’à Grigny et à Meyzieu. Pourtant, chaque jour Lyon enregistre plus de 320 000 déplacements pendulaires.

Le Monde organise à Lyon, jeudi 17 mai, un événement sur les « villes intelligentes » et la réduction des inégalités. Inscription (gratuite) et programme ici.