Cyanide, studio créateur de « Pro Cycling Manager », « Tour de France », « Styx » ou encore « Blood Bowl », quitte le giron de Focus pour BigBen. / Cyanide / Focus

La Grande Boucle s’élancera le 7 juillet prochain de Noirmoutier-en-l’Ile, mais il n’est pas certain que le peloton arrive jusqu’à la PlayStation 4 l’an prochain. L’éditeur parisien qui possède les droits d’adaptation de l’événement sportif, Focus Home Interactive, vient en effet de perdre le studio francilien chargé de la création de ces jeux, Cyanide.

Celui-ci a été racheté contre 20 millions d’euros par une entreprise concurrente, le lillois BigBen Interactive, a annoncé ce dernier lundi 14 mai en clôture de la Bourse. Avec ce rachat, BigBen Interactive, 74 millions d’euros de chiffre d’affaires pour l’année fiscale 2017, devrait passer troisième éditeur français devant Focus Home Interactive (79,5 millions lors de son dernier exercice fiscal traditionnel).

Dans la transaction, l’éditeur BigBen Interactive récupère les propriétés intellectuelles conçues par le studio Cyanide, comme la série de jeux d’infiltration gothiques-fantastiques Styx. L’accord signé avec ASO, la société organisatrice du Tour, reste en revanche au nom de Focus Home Interactive, seule autorisée à utiliser les compétitions affiliées.

Si la sortie du jeu vidéo Tour de France 2018, en cours de finition, n’est pas compromise, il en va autrement pour Tour de France 2019. Selon les informations du Monde, Cyanide, unique studio de jeu vidéo spécialiste des simulations cyclistes, négocie actuellement pour tenter d’en récupérer les droits. Si Focus Home Interactive les conservait, elle n’aurait d’autre choix que de confier le projet à un studio novice en la matière.

Crise de confiance dans le giron de Focus

Derrière cet imbroglio contractuel, c’est une partie de dominos qui se joue dans le landerneau du jeu vidéo parisien. L’ancienne direction de Focus Home Interactive a en effet tenté ces derniers mois de racheter Cyanide, son partenaire historique depuis ses débuts dans le jeu vidéo en 2000, mais n’a pas obtenu l’accord de son conseil de surveillance. Il s’agit selon les sources du Monde de l’une des raisons du départ surprise de son emblématique président, Cédric Lagarrigue, en avril dernier.

Créée au milieu des années 1990 par Denis Thébaut, actuel président du conseil de surveillance, Focus Home Interactive était aux débuts spécialisée dans l’édition de logiciels X, sous le label Pink Garden. Confrontée à la concurrence naissante des sites Internet pornographiques, elle s’est recentrée sur les logiciels de musique, puis de jeu vidéo, en éditant des projets peu coûteux à fort potentiel commercial, sous la direction de Cédric Lagarrigue.

Grâce à des succès comme Trackmania, Blood Bowl ou encore Farming Simulator, elle a connu une croissance constante durant plus de quinze ans, et est entrée en Bourse en février 2015, ce que plus aucune entreprise de jeu vidéo n’était parvenue à faire depuis l’éclatement de la bulle Internet dans les années 2000.

Plusieurs partenaires historiques de Focus Home Interactive s’interrogent aujourd’hui sur le maintien de leur collaboration avec l’éditeur parisien. Passé de la distribution à l’édition, Focus n’a jamais racheté les studios de création dont elle vendait les jeux. Mais à l’image de son ancien dirigeant, connu pour sa gestion clanique, elle avait tissé une relation de fidélité avec la plupart de ses partenaires. Le rachat de Cyanide par BigBen acte d’une rupture majeure dans son histoire. Joint par Le Monde, Denis Thébaut minimise les conséquences de ce départ, et assure de manière évasive que « Focus en a sous le pied ».