Véritable « pop fiction », hommage aux grandes comédies hollywoodiennes d’Howard Hawks, parodie de la société du spectacle, film politique nourri de multiples références littéraires, de l’actualité la plus brûlante, Diamantino a été couronné, mercredi 16 mai à Cannes, par le « Grand Prix Nespresso ». Les deux réalisateurs, Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt, tous deux nés en 1984, étaient émus aux larmes en recevant la récompense des mains du président du jury de la Semaine de la critique, le réalisateur Joachim Trier, aux côtés de l’acteur Carloto Cotta, du même âge. Le comédien, égérie du cinéma d’auteur portugais, héros du film Tabou, de Miguel Gomes (2012), incarne dans Diamantino un personnage aussi naïf que généreux : une star déchue du football qui se retrouve malgré lui au centre d’une machination politique et xénophobe, dont les ficelles sont tirées par ses sœurs jumelles maléfiques.

Lire la critique de « Diamantino » : Un ovni pop et déjanté

Parallèlement, Diamantino, dont la ressemblance est frappante avec le joueur Cristiano Ronaldo, adopte un jeune adolescent réfugié, d’origine africaine, sans se douter qu’il s’agit d’une policière déguisée en garçon, inflitrée chez lui pour mieux enquêter sur une potentielle évasion fiscale – la formidable Cleo Tavares. C’est comme si James Bond avait pris la tangente du cinéma d’avant-garde, populaire et cultivé, avant de laisser la place à un agent secret féminin.

Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt, les réalisateurs de « Diamantino », et l’actrice Cleo Tavares, sur la plage Nespresso, à Cannes, le 11 mai 2018. / STEPHAN VANFLETEREN POUR « LE MONDE »

Le Grand Prix qui récompense cet ovni cinéphilique est à la hauteur de l’accueil enthousiaste qu’avait reçu ce premier film au moment de sa projection cannoise. Diamantino symbolise aussi le signe de la vitalité du cinéma portugais, en dépit de moyens dérisoires et d’une politique dite de « soutien au cinéma », qui fait plutôt la part belle aux productions télévisées.

Diamantino - Extrait (Cannes 2018) HD VOST
Durée : 01:58

Félix Maritaud récompensé pour son interprétation

Autre récompense très attendue, en cette 57e édition de la Semaine de la critique, le (nouveau) « prix Fondation Louis Roederer de la révélation » qui vise à mettre en lumière un ou une interprète. C’est Félix Maritaud, qui incarne un prostitué dans Sauvage, premier long-métrage de Camille Vidal-Naquet, qui l’a emporté sans grand suspense, tant la prestation du jeune comédien a été saluée à la fois par la critique et par les festivaliers.

Héros solaire de ce film très documenté sur la prostitution de rue, Félix Maritaud – qui avait un rôle secondaire dans 120 battements par minute, de Robin Campillo, Grand Prix à Cannes en 2017 – est Léo : jeune homme précaire, il survit grâce à la prostitution et ne semble pas vouvoir en sortir, même quand l’occasion se présente pour lui d’avoir une vie stable. D’errance en errance, de passes en plans plus ou moins hasardeux, Léo est surtout en quête d’amour. Il ne refuse pas d’embrasser les hommes qui le paient. Le film a bouleversé la Croisette.

Lire la critique de « Sauvage » : Léo, prostitué en mal d’amour

Rohena Gera et Benedikt Erlingsson distingués

Deux autres longs-métrages ont été distingués, sur les sept films qui étaient sélectionnés. Sir (Monsieur), de Rohena Gera, a obtenu le « prix Fondation Gan à la diffusion ». Ratna est domestique chez Ashwin, le fils d’une riche famille de Bombay : deux mondes et deux êtres vont cohabiter, s’effleurer… Par ailleurs, le « prix SACD » (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) a été donné à Woman at War (Kona fer i strid), de Benedikt Erlingsson, conte écologique à l’humour décalé.

Lire la critique de « Woman at War » : Un « Peau d’âne » de l’écologie
Lire les portraits de réalisatrices, dont Rohena Gera : Elles font leurs premières armes à Cannes

Le « prix Canal+ du court-métrage » a été reçu par le film franco-algérien Un jour de mariage (A Wedding Day), d’Elias Belkeddar et le « prix Découverte Leica Cine du court-métrage » par le film grec Hector Malot : The Last Day of the Year, de Jacqueline Lentzou. Autant de prix qui reflètent la qualité et la diversité de cette 57e édition de la Semaine de la critique.

Sur le Web : www.semainedelacritique.com