Une meilleure indemnisation du congé parental, la possibilité de le fractionner et de le prendre jusqu’aux 12 ans de l’enfant et, surtout, l’obligation pour les pères de prendre un congé de dix jours à la naissance : voilà ce que propose la directive européenne « équilibre entre vie professionnelle et vie privée » à l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne. Pour le moment, treize pays s’y opposent, parmi lesquels la France, qui a pris la tête de la fronde.

A l’occasion de la quatrième conférence internationale sur les hommes et l’égalité des chances (ICMEO), qui se tenait mardi 14 et mercredi 15 mai à Stockholm (Suède), Virginija Langbakk, directrice de l’Institut européen pour l’égalité des genres (EIGE), à Vilnius (Lituanie), défend le principe de cette directive. Pour elle, tout le monde gagnerait à l’appliquer : les femmes, les enfants, les pères mais aussi les Etats eux-mêmes.

Pourquoi est-il important d’avoir une législation prévoyant un congé spécifique pour le père, qu’il ne peut partager avec la mère ?

Virginija Langbakk : Parce que cela force les gens à faire des choix. Sans législation, les pères n’ont pas besoin d’assumer leur responsabilité. Les hommes gagnent en général plus que les femmes, donc ils perdront plus d’argent en restant à la maison. L’équilibrage est rapidement fait au sein de la famille. Et ce sont toujours les femmes qui finissent par se retrouver à la maison avec les enfants. Tandis que si on réserve un congé qui ne peut être pris que par l’homme, la famille doit réfléchir : est-ce qu’elle est prête à renoncer à un congé indemnisé ? C’est plus difficile, je pense, de faire un choix négatif.

Ce congé doit donc être suffisamment indemnisé.

Absolument. C’est essentiel d’avoir une indemnisation suffisamment élevée, pour empêcher les hommes de dire qu’ils gagnent mieux lorsqu’ils travaillent. Il faut un contrepoids. On le voit bien dans les pays où la loi permet aux hommes de prendre un congé parental, mais ne prévoit pas d’indemnité ou des indemnités trop basses : ils ne prennent pas ces congés.

Pourquoi est-ce important de fixer des règles européennes ?

C’est important parce que nous avons des buts communs pour l’Union européenne, un budget, des cibles. On a adopté un socle européen des droits sociaux. Cela en fait partie. Nous avons besoin de bases communes qui obligent les pays membres à agir. Même si c’est un minimum et que certains font déjà plus.

Mais ça coince encore dans de nombreux pays européens.

Oui, et pour plusieurs raisons. Dans certains pays, l’idée domine que l’homme doit subvenir aux besoins de la famille et que la place de la femme est à la maison. On voit d’ailleurs une progression de ces idées très conservatrices en Europe, ce qui est inquiétant. Pour d’autres, il est biologiquement important pour le bébé que sa mère reste avec lui, les premiers temps. Ce genre d’arguments est souvent utilisé dans des pays qui n’ont pas de structures d’accueil pour la petite enfance. Les mères n’ont d’autre choix que de rester à la maison avec l’enfant.

Certains pays comme la France pensent que cela va coûter trop cher.

Oui, allonger la durée d’un congé paternité ou augmenter le niveau des indemnités entraîne des coûts. Mais les gouvernements qui s’y opposent pour des raisons financières oublient de prendre en compte les gains pour leurs pays sur le long terme. Ils devraient réfléchir à ce que perd la société quand les femmes restent à la maison… Plus elles sont absentes du marché du travail, plus il est difficile pour elles de maintenir leurs qualifications et leurs compétences. Quand les hommes assument leurs responsabilités à la maison, l’activité des femmes croît et contribue à la croissance de l’économie. Alors évidemment, cela prend du temps d’en voir les effets. Mais les coûts seront couverts par les bénéfices.

Quel est l’intérêt pour les hommes ?

Passer du temps avec son enfant, au tout début de sa vie, est très important. Cela forme les relations entre le père et son enfant pour la suite. Aujourd’hui, deux pères européens sur trois passent en moyenne moins d’une heure par jour avec leurs enfants. Ce qui veut dire qu’ils ont tout juste le temps de s’intéresser à leurs besoins physiologiques, mais pas à leur développement moral. Mais ce n’est pas tout : toutes les études montrent que passer du temps avec son enfant réduit le stress, relaxe, améliore la santé. Ce sont des bénéfices dont les Etats devraient se soucier.