Film sur France 4 à 22 h 40

WHIPLASH Bande Annonce VF (2015)
Durée : 01:47

Sur le mur de la chambre d’Andrew Neyman (Miles Teller), le jeune héros de ce récit de (dé)formation, un poster proclame : « Si tu ne travailles pas, tu finiras dans un groupe de rock. » Ce n’est pas une plaisanterie, c’est un avertissement destiné à fortifier Andrew dans son ascèse musicale. A première vue, Whiplash met en scène des musiciens, de la musique, mais le film de Damien Chazelle tourne autour d’une obsession maladive de l’excellence.

Andrew est prêt à tout sacrifier pour devenir un grand batteur de jazz, et la divinité à qui il fait cette offrande s’incarne en un professeur qui ferait passer le sergent Hartman de Full Metal Jacket pour un gentil organisateur.

Dans le conservatoire new-yorkais que fréquente Andrew, il existe un saint des saints, l’orchestre que dirige Terence Fletcher (J. K. Simmons). Programmée au Carnegie Hall, cette formation offre un sas entre l’apprentissage et la carrière professionnelle. Terence Fletcher la dirige comme un bataillon disciplinaire.

Ambiances scorsésiennes

Dans ce microcosme totalitaire, Andrew trouve facilement sa place. Il est aussi exigeant et dépourvu de scrupules que son mentor. Damien Chazelle met en scène leur affrontement avec une violence virtuose qui fait le prix du film. Avec des éléments a priori abscons – un tempo à sept temps, l’accord d’une caisse claire – et en en faisant des enjeux de vie ou de mort pour les protagonistes, le réalisateur place le spectateur dans la position du cancre admiratif, qui regarde bouche bée l’affrontement d’êtres supérieurs se disputant la position de mâle alpha d’une meute qui se trouve être un orchestre de jazz. L’interprétation ultravirile de Miles Teller et de J. K. Simmons finit par imposer cette lecture univoque.

Andrew Neyman (Miles Teller) et Terence Fletcher (J. K. Simmons), son intraitable professeur, dans « Whiplash ». / DANIEL MCFADDEN

Le scénario répète la même anecdote : un soir, le batteur Jo Jones lança une cymbale à la tête du jeune Charlie Parker, manquant de le décapiter. Humilié, celui-ci se mit à travailler si dur qu’il inventa le jazz moderne. Pas d’autre ressort créatif dans cet univers que la peur et la violence. Pas plus de plaisir que de transcendance.

Avec ses ambiances scorsésiennes (rues enfumées, montage frénétique), Whiplash respire pourtant le plaisir de créer, un plaisir que Damien Chazelle refuse à ses personnages.

Whiplash, de Damien Chazelle, avec Miles Teller, J. K. Simmons (EU, 2014, 107 min).