« Que l’on gagne ou que l’on perde, je ne pourrais pas en vouloir à cette équipe. Elle m’a déjà donné beaucoup d’émotions cette année. Elle est au maximum de l’engagement. » A quelques minutes de la finale de la ligue Europa entre l’OM et l’Atlético Madrid, mercredi 16 mai, Michel, supporteur marseillais, ne mettait pas son amour pour l’équipe de Rudi Garcia dans la balance du match à venir.

Comme on pouvait s’y attendre, compte tenu du récent passé européen des deux équipes, l’Olympique de Marseille s’est lourdement inclinée 3-0 contre son adversaire espagnol sur la pelouse du stade des Lumières à Lyon. Deux buts sont signés par Antoine Griezmann, diabolique d’efficacité pour remporter son premier titre majeur (21e, 49e) ; et le dernier par Gabi (89e), le capitaine madrilène alors que tout espoir était déjà envolé. Vingt-cinq ans après son triomphe en Ligue des Champions, le club marseillais n’a pas ajouté de second titre européen à son palmarès.

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Aujourd’hui, Michel, comme la plupart des supporteurs marseillais, n’en veut pas à ses favoris. Mieux, il sera samedi au stade Vélodrome pour soutenir l’OM pour décrocher une victoire contre Amiens et, par ricochet, une place qualificative en Ligue des Champions. Finir sur le podium de la Ligue 1 ne serait pas volé pour une équipe qui a fait vibrer ces dernières semaines une « bonne partie de la France », comme le rappelait Rudi Garcia, et qui, au terme de sa saison, aura disputé soixante-deux matches avec un cœur énorme.

« Oui, cette équipe a un gros cœur, et c’est plaisant à voir. Mais si elle montre les mêmes imperfections que contre Leipzig ou Salzbourg, ce soir, le cœur ne suffira pas face à une des meilleures équipes d’Europe », prédisait l’ancien avant-centre de l’OM, Marc Libbra, devenu consultant. Bien vu. Sur la pelouse lyonnaise, Marseille a été rattrapée par ses faiblesses intrinsèques, piégée par sa générosité, renvoyée à ses limites par un Atlético Madrid sûr de sa force.

Des coups du sort

L’espoir n’a pas duré longtemps. Vingt-et-une minutes à peine. Sur une relance plein axe de son gardien international Steve Mandanda, étonnamment fébrile, Zambo Anguissa ratait son contrôle. Le furet Griezmann n’en demandait pas tant. Aucune occasion. Un but. Le réalisme de l’Atlético et de son goleador français fait peur. « Cela ne sert à rien de chercher les responsabilités quand le mal est fait, mais sur le but, c’est 50-50 », évaluait Rudi Garcia, renvoyant ses deux joueurs à leurs responsabilités. « Et contre une équipe comme Madrid, on ne doit pas être mené au score », poursuivait le coach marseillais.

Depuis l’apothéose de Munich en 1993, les finales de l’OM se suivent et se ressemblent bizarrement, basculant sur d’étonnants coups du sort. À Moscou en 1999 contre Parme (3-0), Laurent Blanc, d’une tête en retrait loupée, avait tué le match. En 2004 contre Valence (2-0) une sortie kamikaze de Fabien Barthez valait penalty et expulsion. À Lyon, la légende olympienne retiendra aussi que Dimitri Payet, maître à jouer de l’équipe, a quitté en pleurs, le terrain dès la 32e minute. Absent six jours plus tôt à Guingamp, était-il vraiment apte à disputer cette finale ? A-t-il hypothéqué ses chances de jouer la coupe du Monde avec l’équipe de France en forçant la nature ? « L’histoire de ce match, c’est trois-quatre joueurs qui sont blessés et dont on n’est pas sûr qu’ils sont à 100 %, reconnaît Rudi Garcia. Dimitri a passé un test le matin et avait une appréhension (…) Mais c’était un risque à prendre dans ce genre de match. »

Le pari a failli être payant. Avec Payet, l’OM a réussi un excellent début de finale. Et à la quatrième minute, un de ses contres éclairs a offert à Valère Germain la meilleure occasion de la première mi-temps. Le fils de Bruno Germain, héros malheureux de la finale de 1991, aurait pu symboliquement venger son père. Il a loupé le cadre.

Une journée presque parfaite

La journée, pourtant, aurait pu être parfaite. À Marseille, bouillonnante depuis deux semaines, elle a commencé en fin de matinée par une sardinade géante improvisée sur le Vieux-Port. Les South Winners, un des plus importants groupes de supporteurs, voulaient marquer leur départ vers Lyon. Un cortège de plusieurs milliers de fans survoltés, auquel n’a pas manqué de se joindre la présidente Les Républicains (LR) du département, Martine Vassal, pas gênée de défiler au côté de l’effigie de Che Guevara pour l’amour de l’OM.

À Lyon, aucun incident majeur n’a marqué l’avant-match. 1 200 policiers et CRS avaient été déployés et la grande majorité des supporteurs marseillais, appelés au calme par les dirigeants de l’OM, a suivi le schéma imposé par les autorités. Le centre de Lyon est resté rouge et blanc, peuplé par une colonie espagnole tranquille, avec couples et familles. Et sur la place Bellecour, où l’UEFA a déployé son dispositif d’animation (et une photo géante de l’OM), les rares fans olympiens venaient de loin. « Nous sommes arrivés hier. Une trentaine de Tel-Aviv et de Jérusalem », explique ainsi Shimon Benadi, maillot bleu et blanc sur le dos.
« Les circuits de circulation sont particulièrement hermétiques, nous n’avons pas croisé un seul Madrilène », constate un membre de la Vieille Garde des Ultras, rentré tôt dans le stade pour installer sa bâche. Le gros des 7 900 supporters qui ont acheté leurs places via les associations de supporteurs n’est arrivé qu’en fin d’après-midi à Lyon. Et n’a quitté les cars que pour s’installer dans le parcage prévu à quelques centaines de mètres du stade. Un terrain vague sans grand intérêt que les Marseillais ont occupé avec patience sous le regard des forces de l’ordre.

« Cela s’est très bien passé », assurait le préfet du Rhône, Stéphane Bouillon, soulagé à la fin de la rencontre en donnant le bilan de la soirée. Dix-huit arrestations au stade – « pour la plupart des Marseillais tentant de faire entrer des fumigènes » –, quatre en centre-ville. « Nous avons eu des groupes de Lyonnais qui cherchaient des Marseillais, concédait M. Bouillon, mais il n’y a pas eu de confrontations ».

Côté ambiance, l’OM a gagné la bataille. « C’est impressionnant de voir ce soutien, les supporters qu’ils ont », a apprécié l’homme du match Antoine Griezmann. Le seul point négatif reste ces dizaines de fumigènes allumés dans le virage marseillais, dont quelques-uns ont fini leur course sur le terrain. Le club en sera quitte pour payer une lourde amende. « Dommage, il y a d’autres manières de s’exprimer », regrettait le président Jacques-Henri Eyraud. Un détail dans une saison marseillaise qui, même sans qualification pour la Ligue des Champions, samedi prochain, restera réussie.