Meghan Markle et le prince Harry, le 23 avril à Londres. / Matt Dunham / AP

Samedi 19 mai, le prince Henry de Galles, plus connu sous le nom de Harry, benjamin de la princesse Diana et sixième dans l’ordre de succession de la monarchie britannique, épousera Meghan Markle, une roturière, actrice, divorcée et américaine de trois ans son aînée. Des noces princières très attendues de l’autre côté de la manche et pimentées par les frasques de la famille Markle et ses ennuis financiers.

Jean : Bonjour, pourquoi cet événement est-il tant médiatisé ?

Philippe Bernard : Bonjour, le mariage est médiatisé probablement parce qu’il fait beaucoup rêver, non seulement dans un Royaume-Uni assez déprimé par l’impasse du Brexit, mais ailleurs où les aventures de la famille royale intéressent beaucoup de gens, même ceux qui ne l’avouent pas ! Des foules sont attendues à Windsor mais un sondage montre que 66 % des Britanniques n’ont rien à faire de cette cérémonie.

Robert : Quel est le budget du mariage et la participation de l’Etat britannique ?

Philippe Bernard : Ce budget n’est pas rendu public mais le site Bridebook l’a estimé à un total de 32 millions de livres sterling (36,6 millions euros) – soit 1 000 fois le budget moyen d’un mariage au Royaume-Uni. La sécurité est le principal poste dans ce budget et elle est entièrement financée par l’Etat. Selon Kensington Palace, la famille royale paie la messe de mariage, les fleurs, la musique, et la réception qui suit.

Toxicdafi : Comment se sont rencontrés Harry et Meghan ?

Philippe Bernard : Ils se sont rencontrés en juillet 2016 au cours d’un rendez-vous arrangé (« blind date ») par une amie commune, Violet von Westenholz, fille de baron, amie d’enfance de Harry et attachée de presse dans la mode. Selon d’autres rumeurs, la personne qui les a fait se rencontrer serait Misha Nonoo, une dessinatrice de mode. Meghan a raconté qu’elle avait tout de suite eu envie de revoir Harry. Ce dernier a assuré qu’il avait immédiatement vu qu’elle était celle qu’il attendait. Il l’a invitée à un voyage au Botswana où leur union se serait concrétisée.

Lolilo : Pensez-vous que Meghan Markle soit une arriviste ?

Philippe Bernard : Bien difficile de répondre à cette question. Personne, (pas même les journalistes !) ne connaît vraiment les sentiments des uns et des autres dans les affaires royales. Aucun des personnages ne donne jamais d’interview ! Et qui connaît les motivations profondes dans un mariage ? Ce qui est sûr, c’est que Meghan Markle est une femme ambitieuse et personnifie « la » réussite de sa famille. Ceci dit, abandonner une carrière ascendante d’actrice à Hollywood pour le rôle à vie de princesse ou de duchesse engoncée dans le protocole rigide de la famille royale n’est pas nécessairement une sinécure.

Kate : Les dernières histoires autour de la mariée et de sa famille jettent-elles une ombre sur ce mariage ?

Philippe Bernard : Elles donnent du piquant à un scénario autrement sans relief et ultra protocolaire. L’absence du père de la mariée et le chagrin qu’il suppose chez elle accentuent l’identification possible par la population. Les frasques de la famille Markle, ses ennuis financiers, soulignent aussi le fossé avec la famille royale. Mais pas les jalousies, divorces et tromperies, dont la chronique des Windsor est parsemée. Pour l’instant, ces « histoires » font apparaître les « royals » comme une famille modèle. Elles montrent aussi à quel point la presse britannique et américaine peut déployer de moyens et d’argent pour « couvrir » l’événement et aussi harceler des membres de la famille de Meghan Markle.

Robert : Harry et Meghan seront-ils obligé de vivre en Grande Bretagne ?

Philippe Bernard : Ils vont vivre à Kensington palace, qui est le lieu de résidence de Kate, William et leurs trois enfants. On imagine mal un héritier possible de la reine Elizabeth, chef d’Etat, résident ailleurs qu’au Royaume-Uni.

Elle : Pourquoi la couronne a-t-elle préféré le prince Charles plutôt que la mère de Meghan Markle pour accompagner la mariée jusqu’à l’autel ? Donner une vraie visibilité à une femme noire durant la cérémonie aurait été tellement moderne et frais…

Philippe Bernard : C’est exact, cela aurait eu de l’allure et du sens, d’autant que beaucoup de commentateurs soulignent que les origines mixtes de Meghan Markle expriment l’ouverture nouvelle de la famille royale et permettent l’identification de catégories nouvelles de la population britannique. Meghan et Harry ont d’ailleurs reçu un accueil particulièrement chaleureux lorsqu’ils sont allée visiter le quartier antillais de Brixton, au sud de Londres. Certains font même le parallèle entre l’entrée de Meghan chez les Windsor et l’élection de Barack Obama aux Etats-Unis. Mais Buckingham semble avoir préféré mettre en avant sa propre priorité du moment : imposer l’image de Charles comme le futur roi, alors qu’il est assez impopulaire et que nombre de Britanniques lui préféreraient William.

Marthe : Meghan Markle va-t-elle perdre sa nationalité américaine ?

Philippe Bernard : Selon Buckingham, Meghan Markle acquerra la nationalité britannique après son mariage avec le prince Harry. Au Royaume-Uni, on ne devient pas automatiquement britannique en épousant un ressortissant britannique. Il faut notamment répondre à une série de questions sur le pays. Par exemple : « A qui est mariée Elizabeth II ? » ou « Quel est le drapeau bleu frappé d’une croix blanche ? ».

Elle ne devrait pas être contrainte d’abandonner sa nationalité américaine, car la loi britannique n’oblige pas à répudier sa nationalité d’origine en pareil cas. Mais le maintien de sa double nationalité occasionne des spéculations sur la nationalité – éventuellement britannique et américaine – des futurs enfants. Et aussi une controverse fiscale, car les Américains sont assujettis à l’impôt sur le revenu quel que soit leur lieu de résidence. Le mariage royal de samedi obligera-t-il à plus de transparence sur les revenus des Windsor ?

Maxime : Il a été précisé que Meghan Markle avait une profession d’influenceuse. Dans quelle mesure va t-elle pouvoir continuer cette passion ? L’ensemble des réseaux sociaux qu’elle anime seront-ils contrôlés par le palais ?

Philippe Bernard : Avant de rencontrer Harry et, en parallèle à son métier d’actrice, Meghan Markle animait un blog intitulé The Tig et consacré au « bien-être » et au « style de vie », dont les conseils de beauté de mode ou de diététique étaient censés prescrire certains achats. Le blog a été fermé depuis les fiançailles mais, d’une certaine façon, elle va continuer ce métier. Chaque robe, chaque chapeau, chaque accessoire porté par un membre de la famille royal bénéficie d’une publicité énorme qui booste les ventes et assure une promotion éclair. Cela a déjà commencé avec Meghan Markle, dont les tenues sont scrutées au millimètre.

L’un des secrets les mieux gardés du mariage de demain est le nom du couturier qu’elle aura choisi pour sa robe. On parle de Burberry, de Ralph & Russo, Stella McCartney, Erdem, Alexander McQueen (comme pour Kate) ou Roland Mouret. Déjà, la pâtissière californienne, Claire Ptak, retenue pour le gâteau de mariage à base de citron et de fleur de sureau a reçu une publicité monstre.

Emmanuel : Vous dites que 66 % des Britanniques n’ont rien à faire de cette cérémonie, pourtant on nous présente le peuple britannique comme très attaché à sa royauté : est-ce vraiment le cas ? Entend-on la voix des anti-royauté dans les médias britanniques ?

Philippe Bernard : Les partisans de l’abolition de la monarchie constituent 17 % de l’opinion britannique. Le régime, dont la popularité avait sérieusement été ébranlée après la mort de Diana, a « remonté la pente ». La côte de popularité de la reine atteint 80 %, soit le même niveau que lorsqu’elle a été couronnée… en 1953 ! Mais les républicains misent sur l’impopularité du prince Charles qui doit lui succéder. Ils pensent que, lorsqu’elle disparaîtra – elle est âgée de 92 ans –, leur heure viendra. Reste qu’il est peu probable qu’ils parviennent à faire vraiment entendre leur voix dans un pays qui se partage entre attachement et indifférence à l’égard de la monarchie.

Hervé C. : Quels sont les enjeux géopolitiques de cette union, notamment concernant les relations transatlantiques entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis ?

Philippe Bernard : Il y a en effet bien besoin de ce mariage pour réchauffer les relations entre Londres et Washington. Theresa May a été la première dirigeante à être reçue à la Maison Blanche après l’élection de Donald Trump mais, depuis lors, celui-ci l’a snobée en venant à Paris et en recevant Emmanuel Macron. Le président américain est attendu au Royaume-Uni en juillet, mais il devrait être accueilli par de grosses et hostiles manifestations. Meghan et Harry n’y peuvent pas grand-chose. Leur mariage booste cependant l’intérêt des Américains pour la famille royale, déjà relancé par la série de Netflix The Crown.

Mariage de Harry et Meghan Markle : cinq choses à savoir sur la cérémonie
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