« C’est assez pathétique de la part d’un ministre de l’intérieur d’avoir de tels propos, aussi violents. » Après une semaine de polémique autour de son port de voile islamique, la présidente de la section locale de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France, syndicat classé à gauche) à Paris-IV, Maryam Pougetoux, répond aux attaques dont elle a fait l’objet dans une interview accordée au média en ligne Buzzfeed France. Elle y explique ne pas s’être questionnée sur une éventuelle démission de ses fonctions syndicales : « Ce n’est ni envisagé ni envisageable. Et on ne m’a pas demandé si je voulais renoncer », assure-t-elle.

Maryam Pougetoux avait été interrogée dans un reportage diffusé sur M6 sur le mouvement étudiant contre la réforme de l’accès à l’université. Très vite, certains militants promouvant une laïcité stricte, comme Laurent Bouvet, cofondateur du Printemps républicain, s’étaient emparés de son image pour dénoncer le fait qu’une responsable syndicale porte le voile. Des débats houleux avaient suivi entre les défenseurs de la jeune militante et ses contempteurs. L’UNEF avait pris la défense de Mme Pougetoux avant que l’affaire prenne une tournure politique.

« Je n’ai pas mis mon voile par volonté politique ou réactionnaire »

La responsable syndicale Maryam Pougetoux se défend aujourd’hui de tout prosélytisme. Elle se dit étonnée par l’ampleur et la violence des réactions. « Je ne m’attendais pas à ce que cela monte aussi haut et que cela devienne presque une affaire d’Etat. Sachant que mon voile n’a aucune fonction politique. C’est ma foi », raconte-t-elle à Buzzfeed se désolant de devoir se « justifier de [s]on choix ».

« Je réfute le fait que l’on puisse dire que mon voile est un symbole politique. Ce n’est absolument pas le cas. On lui donne une signification que moi-même je ne lui donne pas. Je pense qu’il faut démystifier cette question-là. Derrière « islam politique », on met un peu tout et n’importe quoi. Et c’est malheureux, car on me prête des intentions qui ne sont pas les miennes. A aucun moment je n’ai mis mon voile par volonté politique ou réactionnaire. Absolument pas. »

Après avoir rappelé que « le voile n’est pas interdit à l’université » car « les femmes adultes ont le droit de porter le voile si c’est leur choix », la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, avait affirmé mercredi 16 mai sur Franceinfo « comprend[re] qu’il y ait une forme d’interpellation car l’UNEF est censé être un syndicat étudiant progressiste, féministe, alors que le voile, c’est la preuve de l’emprise de la religion ». « J’y vois une forme de promotion de l’islam politique », avait conclu Marlène Schiappa.

Vendredi, le ministre de l’intérieur Gérard Collomb avait, quant à lui, estimé « choquant » qu’une dirigeante de l’UNEF à Paris porte un voile islamique, assimilant ce choix à du « prosélytisme ». « Je pense effectivement que c’est choquant. Il faut montrer un modèle et on voit bien qu’il y a un combat culturel finalement au sein des jeunes musulmans. On le voit bien qu’il y a un certain nombre de gens qui, au travers de ces signes, sont dans la provocation », avait-il déclaré sur BFM-TV.

Une laïcité désormais plus proche du modèle anglo-saxon

Le syndicat d’étudiants a opéré, depuis quelques années, une véritable mue sur la question de la laïcité. Ainsi, en 2013, l’UNEF se positionnait contre le voile à l’université. Dans un communiqué concernant le rapport du Haut Conseil à l’intégration, l’organisation s’inquiétait alors « que la principale proposition qui ressort dans le débat public concerne le port du voile à l’université » et affirmait qu’elle « [militait] contre cette pratique qui enferme les femmes dans une situation de soumission par rapport aux hommes ». Ce communiqué a, depuis, été effacé du site de l’UNEF.

Plus récemment, une salle de prière a même été ouverte en 2015, lors d’un collectif national (CN, parlement du syndicat), à la demande de quelques militants musulmans, comme une enquête du Monde le révélait en octobre 2017. Un épisode qui ne se répétera pas.

Cette conception de la laïcité, plus proche du modèle anglo-saxon, ne crée pas de débat en interne. « Nous sommes clairs sur ce que l’on dit, comment on l’applique et comment on la défend dans les universités », affirmait, en septembre 2017, la présidente de l’UNEF, Lilâ Le Bas. Le clivage se situe avec les ex-dirigeants du syndicat, qui voient leur ancienne maison leur échapper et prendre un virage qu’ils estiment regrettable. Il faut dire que l’UNEF a, depuis plusieurs années, coupé le cordon qui la reliait aux partis politiques et à leurs différents courants.