Le chef de file du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, et Giuseppe Conte, dont le nom a été avancé pour la présidence du conseil, le 1er mars à Rome. / Alessandra Tarantino / AP

Sergio Mattarella s’est contenté de demander un peu de temps. Dans l’après-midi de lundi 21 mai, alors qu’au dehors du palais du Quirinal le dirigeant du Mouvement 5 étoiles (M5S) annonçait déjà à la presse, dans une ultime mauvaise manière, l’identité du futur premier ministre choisi par l’alliance de son mouvement et de la Ligue, Giuseppe Conte, le président Mattarella n’a même pas eu besoin de hausser la voix. Il lui a suffi de faire usage de sa prérogative la plus importante, celle de fixer le tempo, dont il dispose depuis deux mois et demi avec une attention jalouse.

Une nuit de plus pour réfléchir, un ultime tour de consultations avec les présidents des deux Chambres, et quelques confidences à la presse italienne… Puis la chorégraphie imaginée par les deux vainqueurs du scrutin du 4 mars s’est soudain grippée et, en quelques heures, ce qui paraissait acquis est devenu moins certain.

Le premier ministre pressenti, Giuseppe Conte, n’est pas pour rien dans ce nouveau coup de théâtre. Parfait inconnu il y a encore quelques jours, ce très lisse juriste de 53 ans, discret et élégant, professeur de droit à l’université de Florence, aurait pu s’attendre à ce que son parcours soit passé au crible par les journalistes. Cela n’a pas manqué. Dès mardi matin, on apprenait par le New York Times que l’université de New York, dont le professeur prétendait avoir suivi des cours d’été, n’avait pas trace de lui dans ses archives.

Si ce petit ajout avait été le seul, l’affaire n’aurait provoqué que quelques ricanements. Après tout, la ministre de l’éducation du gouvernement sortant, Valeria Fedeli, ne s’était-elle pas « inventé » un diplôme en sciences sociales ? Mais dans les heures qui suivent parviennent d’autres démentis, de l’université Duquesne de Pittsburgh, de l’université de Malte, de l’Internationales Kulturinstitut de Vienne. Poursuivant la lecture de son CV, on apprend que l’universitaire aurait été désigné comme expert au sein d’un « Social Justice Group » de l’Union européenne qui n’existe tout simplement pas.

« Ils ne savent plus quoi inventer »

Cette accumulation de mensonges serait déjà accablante en soi, mais les ennuis du professeur Conte ne s’arrêtent pas là. Plus tard dans la journée, on apprenait qu’en 2013 le juriste avait, à titre gracieux, assuré la défense des intérêts des parents de la petite Sofia, une enfant malade dont la famille voulait obtenir le droit de la faire soigner selon la prétendue « méthode Stamina », développée par le professeur Vannoni, qui s’était révélée être une vaste escroquerie scientifique. Un élément biographique troublant qui apparaît parfaitement en ligne avec les conceptions antiscientifiques du M5S, proche depuis des années des mouvements « no vax » opposés au principe de la vaccination obligatoire.

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Réagissant à chaud à l’accumulation de ces accusations, le chef politique du M5S, Luigi Di Maio, a pris la défense de Giuseppe Conte : « Ils ne savent plus quoi inventer », a-t-il déclaré, tandis que son partenaire d’alliance, Matteo Salvini, menaçait de revenir sur l’alliance entre les deux partis, réclamant le ministère des transports pour prix de sa solidarité dans la tempête. De son côté, le président Mattarella semble profiter, lui aussi, de l’occasion pour obtenir un nouveau délai, ainsi que des garanties supplémentaires pour que les portefeuilles des affaires étrangères et de l’Europe reviennent à des figures pro-européennes.

Les mésaventures du professeur Conte illustrent à la perfection l’impression d’amateurisme qu’ont dégagée les tractations des derniers jours. Elles mettent en lumière une autre difficulté majeure, celle de trouver un dirigeant crédible, qui accepterait d’occuper un poste dont la plupart des prérogatives ont été rognées et se contenterait d’appliquer un programme à la conception duquel il n’a pas été associé.